Cracovie. Poland, taste it
«Mais tu sais, j’ai connu l’hiver berlinois. Entre -10° et -20°, on ne ressent pas la différence de froid. La Pologne, ça va être easy j’te dis ! J’ai tout ce qu’il faut !»
Mais quelle naïve et snob j’ai pu être la veille de mon départ à Cracovie… Bon le point positif, c’est qu’à peine les pieds sur terre dans la neige, j’ai été surprise. Surprise de cette immensité blanche dans l’obscurité polonaise. Les pieds gelés mais contente.
Contexte : il y a quelques années, je suis partie en Erasmus en Allemagne et j’y ai rencontré une Polonaise, Basia, qui est devenue une de mes meilleures amies. Nous nous sommes revues pour célébrer un nouvel an à Berlin. Puis elle est venue me voir sur Paris. C’était donc à mon tour d’aller la voir. Et c’est finalement en discutant avec elle sur Facebook, qu’elle m’envoie un lien : Paris-Cracovie – 8 euros – aller-retour. « Si tu me prends par les sentiments… »
Je vous passe les détails du périple en bus de Porte Maillot à l’aéroport de Beauvais assise à côté d’une petite fille espagnole malade recrachant contre son gré son petit bol de chocapic dans une poche (pour les Parisiens, il ne s’agit pas d’une poche de pantalon mais d’un sac plastique bien évidemment).
N’ayant plus de batterie sur mon téléphone et n’ayant donc pas pu écrire sur un papier les instructions pour arriver chez Basia, je me retrouve devant l’aéroport habillée de mes deux tee-shirts, mes deux pulls, mon manteau en cuir, ma chapka et ma grosse valise. Dans la neige. Dans le froid. Dans l’obscurité. Je n’ai qu’en tête le doux nom de « Kraków Główny », soit la gare centrale où est censée m’attendre Basia. Mais je vous rassure, après 1h – 1h30 de doutes et de bus, j’arrive à destination. Basia me soutiendra qu’il y avait un moyen plus simple et qui ne durait que 20 minutes. Ma mauvaise foi lui soutiendra le contraire.
Comment résumer Cracovie en un article ?
Visiter Cracovie en janvier, c’est un peu faire un bond en arrière d’une cinquantaine d’années : des grosses personnes emmitouflées dans leur doudoune et couvertes de leur chapka portant de lourds sacs de courses, tout est plat, le ciel est gris, le sol blanc. La ville est petite et j’avoue que je me suis demandé ce que je foutais là.
Et puis finalement, Basia m’emmène sur la grande place avec l’Hôtel de Ville, qui me fait d’ailleurs penser à l’architecture tunisienne. Elle me propose un musée sur la ville. Soit. Pourquoi pas. Pas très emballée, mais les pieds gelés, j’accepte sa proposition. Et quelle surprise : le musée le plus technologique et le plus interactif jamais vu auparavant ! Ils ont reconstruit une partie de la ville pendant le Moyen Age, sous les pavés du Krakow actuel. Des hologrammes, des écrans tactiles (qui fonctionnent bien). Bref, je tombe des nues, et me sent comme un enfant en jouant avec les hologrammes. Les Polonais sont très créatifs et ont des idées de génie dans pas mal de domaines. Finalement, ça promet d’être vraiment bien ce voyage.
La vodka ?
Alors ce n’est pas un cliché : la vodka en Europe centrale / de l’est est vraiment meilleure qu’en France. Rien à voir ! Et ce n’est pas un cliché non plus : la vodka en Pologne fait partie de la culture, telle la bière en Allemagne. Par exemple, à peine j’ai enlevé mes chaussures dans l’appartement de Basia, qu’elle me propose de trinquer, à minuit, avec de la vodka mélangé avec de la crème de café, et tout ça préparé par sa mère quelques semaines auparavant. Et c’est tellement bon, que je me sens déjà à l’aise. J’en oublie le froid, la neige et les soucis.
Là bas, les barmen ne se moquent pas de vous et vous remplissent à raz bord votre verre de vodka. Le goût ? Vous trouverez de tout : coin, cranberries, marron… D’ailleurs si vous avez la chance/l’envie d’y passer, n’oubliez pas de goûter la « Soplica » – vodka à la noisette très en vogue, certes très sucrée et qui ne plaira pas forcément aux hommes, mais tellement délicieuse.
La bouffe ?
Des saucisses pardi ! Entre autres bien sûr (sourire). Mais c’est vrai qu’ils n’ont pas vraiment de spécialités culinaires en terme de plats. Quelques soupes sinon, et des pâtisseries (très grasses).
Les locaux ?
Des gens tellement ouverts, à l’écoute, hospitaliers, et surtout prêts à t’aider alors qu’ils viennent de te parler pour la première fois. Ils sont assez discrets, et c’est bien dommage car ceux sont vraiment des gens qui regorgent de talents, de qualités et débordent de gentillesse.
Se faire masser par Bruce Willis ?
C’est possible ! Je m’explique. Avec Basia, nous décidons d’aller dans un institut de beauté où ils y pratiquent des massages. À peine arrivées, on nous demande de remplir une fiche de questions médicales. Ne parlant pas le polonais, Basia me traduit toutes les questions en anglais. Ça commence par «Avez-vous des problèmes de tympans ?» et ça finit par «Avez-vous une maladie grave ?». Il y avait d’autres questions que Basia n’a pas pu me traduire, mais d’après elle «I think you don’t have one of these…». J’avoue qu’à ce moment, je commence à me sentir mal à l’aise et à penser très fort à ma maman. Une fois la fiche remplie, un Bruce Willis arrive. Il est d’origine russe. Il est très grand et costaud. Et il me fait forcément flipper. Rassurée, en pleine confiance, et chanceuse, j’apprends que ce n’est autre que mon masseur. Mais le massage ne commence pas de suite. Tout d’abord, séance d’ostéopathie, où il me fait craquer dos et jambes, pour continuer sur une espèce de chaise électrique : il m’y attache la tête qui est reliée à des gros poids et qui devrait « make your neck feeling better ». En plus son anglais est déplorable… Au final, et malgré toutes mes pensées négatives et pessimistes, Bruce Willis résout et mon problème de dos et de jambes et mes douleurs au cou. Un peu étonnée, mais contente, vient une séance de méditation : je me retrouve assise avec des odeurs de fumées, d’herbes et d’huiles essentielles. Et à cet instant, je comprends pourquoi on m’avait précédemment demandé si j’avais des problèmes d’oreilles… Car j’ai eu la chance d’avoir les gros doigts de Bruce WIllis remuant L’INTÉRIEUR de mes oreilles. À ce moment, je me dis que soit je vais m’évanouir, soit je vais lui mettre un coup de boule, soit je me la ferme et je me détends. Contre toute attente… J’opte pour la troisième option… C’est ensuite que le véritable massage commence, après ces 40 minutes «d’échauffement». «Enfin ! C’est pas trop tôt» me dis-je. Et à partir de là, une heure de voyage intérieur. Tout est là pour me faire planer, me détendre, voir ma vie défilé devant mes yeux. Bref tout est là pour oublier où je me trouvais.
Séance terminée : morceaux d’oranges, thé et pépito sont offerts.
Cracovie ou la ville qui garde son camp de travail.
Connaissant ma passion pour l’urbex et les endroits abandonnés, Basia m’emmène dans un ancien camp de travail «Liban», qui se trouve dans une grosse cuve au sud-ouest de la ville. Pour y arriver ? Il faut gravir quelques collines, un cimetière et une forêt. J’apprend que le film La liste de Schindler a tourné quelques scènes à cet endroit. Je m’attends à y voir des touristes, mais à part un cycliste avec son chien, personne. Le vide. Pour finalement arriver à des bâtiments taggués, abandonnés, sans squat. On n’entend rien. Seul le son du clic de mon appareil photo à chaque photo prise résonne entre les quatre murs.
Ville détruite, en voie de reconstruction.
Cracovie est une ville qui plaira à tous ceux qui aiment et qui vénèrent les bons spots abandonnés, les anciennes industries… Le Street Art n’y est pas aussi ancré qu’à Berlin, et pourtant la ville a un excellent potentiel. Si ça donne des idées à certains, le voyage pour aller à Cracovie n’est vraiment pas cher, et le prix des consommations une fois sur place est vraiment très très bas.
Estelle Reynier