Nez à nez avec l’Automne
Trouver l’orgasme en forêt fait partie des fantasmes secrets de la plupart des trentenaires, dont le corps, fixé à une chaise qui couine plus qu’elle n’assoie, et dont les yeux, rivés sur un écran trop lumineux, coincés entre des murs de béton mal insonorisés de 8h à 18h. Trouver l’orgasme en forêt fait sans doute partie du quotidien des ours en Alaska mais depuis Brokeback Mountain et ses scènes de combats de coqs agrémentées d’amour viril dans une tente, on n’avait pas vu ça.
Et puis, on est tombées nez à nez avec l’Automne. On a été surprises de le voir là. Il nous a regardé droit dans les yeux à la sortie d’une aire de repos. Là où, généralement, la seule attraction visuelle est l’état des toilettes publiques proche d’un typhon aux Philippines, nous avons trouvé l’émerveillement emmitouflé sous une fine couche orange d’épines de pins. Les tapis d’herbe verte se faisaient très discrets sous les rangées d’arbres méticuleusement symétriques. Plus on s’enfonçait dans la douce clairière, plus l’atmosphère devenait féérique. On avait posé le pied sur une terre vierge de toute trace humaine, comme si le froid précoce avait dissuadé les âmes bien au chaud dans leur voiture de faire une halte pipi. Les troncs noirs des grands nobles s’élevaient plus haut que ce que mes yeux étaient capables de voir. La lumière presque divine camouflait leur cime comme pour cacher à quiconque qui lèverait la tête où pouvait aller un tel miracle.
Mais le miracle avait lieu ici bas, devant nos yeux. On venait de trouver le délectable orgasme en pleine forêt, sans pour autant sentir le déodorant Axe un brin macho, sorti tout droit de la tente d’Ennis El Mar et de Jack Twist. Le déodorant qui « fait même tomber les anges » avait pourtant sa place ici et aurait pu rafler la mise en attirant par centaines des habitants anonymes de ce bois céleste.
Le hasard providentiel n’existe pas que dans le Wyoming mais au-delà des WC publiques des aires de repos entre Toulouse et Biarritz. Bref, on est tombées nez à nez avec l’Automne.