L'autre vie
ÉCHANGE AVEC VALENTIN PORCHER, CO-FONDATEUR & DIRECTEUR DE CRÉATION DE OLOW
Valentin a passé son année 2017 à barouder autour du monde, sac à dos vissé sur les épaules. Ce périple l’a amené des confins de la Chine et de ses mystères, jusqu’aux étendues de la Patagonie en passant par les villages paumés du fin fond de l’Indonésie. Il en est revenu avec des carnets de voyage noircis d’histoire à raconter et de croquis, la sacoche pleine de photos. En s’y replongeant après coup, il s’est dit que cette aventure était tellement folle, qu’il serait dommage de la garder pour lui, et s’est donc lancé dans la production de ce livre : « L’AUTRE VIE »
Avant le grand road trip que tu as réalisé en 2017, c’était quoi ton lien avec le voyage ?
Quand j’étais petit, on avait un van toyota et on partait toujours en voyage avec. A l’époque c’était d’ailleurs notre seule voiture. Je me souviens de longs trajets en direction du sud de la France, avec ce van dans lequel on dormait avec mes frères à l’arrière. C’était un peu comme un lieu de vie, un habitat roulant.
Plus tard, à mes 18 ans, on avait réservé une maison sur la Costa Blanca avec des potes, et comme mon père bossait à la SNCF, j’avais eu des billets de trains gratuits. Donc, alors qu’eux avaient pris l’avion, moi j’avais fait le trajet en train, ça m’avait pris 25h. C’est le premier grand voyage que j’ai fait quand j’étais jeune.
Avant ce gros road trip de 2017, j’avais surtout voyagé en Europe. Toujours en mode un peu low cost, à dormir en auberges de jeunesses. D’ailleurs, dans mon entourage, tout le monde se disait que ça devait me couter une fortune, à être toujours parti, alors que pas du tout. C’était surtout une question de motivation et d’envie de découvrir autre chose, c’était vraiment ça mon leitmotiv, et ça ne me coûtait pas grand chose.
Quel regard portes-tu sur ce voyage 6 ans après ? Si c’était à refaire aujourd’hui est-ce que tu changerais des choses ?
Au moment où on a fait ce voyage, j’avais l’envie de ralentir le rythme et je pense qu’on n’avait pas exactement la même vision du voyage avec ma copine à l’époque. Elle, elle voulait voir beaucoup de paysages, comme ceux qui défilent quand on est sur la route. De mon côté, j’avais plus dans l’idée de plus m’imprégner des endroits dans lesquels on était, quitte à faire moins de choses. Mais on a trouvé des compromis, pour que le voyage nous plaise à tous les deux, avec chacun nos souhaits et nos envies. C’est très important de découvrir d’autres cultures, on n’a pas toujours l’occasion de voyager dans sa vie.
Sinon on a pris beaucoup de trains, de voitures, de vélos et même de scooters, mais je pense qu’on a trop pris l’avion malgré tout, même si ce n’est pas toujours facile de s’en passer. Au final, si c’était à refaire je prendrais moins l’avion et je ferais aussi moins de route, pour plus m’imprégner des pays.
Comment t’est venue l’idée de faire ce livre ?
J’avais beaucoup de photos (énormément même) de paysages, mais aussi de portraits. C’est d’ailleurs assez facile en Asie car les gens adorent se faire prendre en photo. J’ai pu photographier des familles entières devant leur maison. Donc j’ai fait cette sorte de reportage photos sur une année et la question qui revenait toujours, c’était « qu’est-ce que je vais faire de toutes ces photos ? ». Il y a deux options, soit on ça reste traîner sur un disque dur, et ça n’en ressort jamais et à ne plus savoir pourquoi on les stock, soit on les imprime, et c’est vrai que j’aimais l’idée d’avoir un objet.
J’avais pensé au départ à en faire une exposition, mais j’avais aussi beaucoup de textes. Ils étaient écrits à la base pour Olow, ils ont d’ailleurs été publiés sur le Journal. En plus de tout ce contenu, j’avais aussi tout un tas de dessins, qui n'étaient pas destinés à sortir mais qui avaient pour unique but de faire rire ma copine et d’illustrer des débilités écrites sur des carnets de voyage. Mais c’est différent de faire des dessins dans un but d’exposition professionnelle et d’en faire à l’arrache pour amuser. Je pense que ces dessins simplistes-là ont trouvé leur sens dans ce livre, puisqu’il n’était pas prévu non plus, c’est ce qui rend le projet authentique. Et puis l’idée de le mettre dans la bibliothèque, un livre que j’ai fait, que mes filles pourront regarder, c’est plutôt cool !
L’idée de faire un roman m’intéresserait beaucoup, mais concernant ce livre-ci, il n’a pas du tout été conçu dans ce but. Le premier chapitre, assez différent des autres, dresse davantage un constat, alors que le reste est plus axé sur des récits, des déroulements de choses.
Comment s’est passée la réalisation ?
J’ai décidé de travailler avec Juliette qui est graphiste et directrice artistique chez Olow. Elle avait tout le contenu, a pris le temps d’écouter mes envies et m’a beaucoup apporté avec son regard plus technique. Comme on travaillait déjà ensemble et qu’elle revenait justement d’un tour du monde sur lequel elle avait créé un livre, elle avait exploité le sujet et cela a permis d’en simplifier la réalisation.
Lorsqu’on a une boîte on se sent parfois bloqué, comment un voyage de ce type a-t ’il pu être possible ?
Je pense que l’on se met beaucoup de barrières et que cela dépend de la relation que l’on a avec les membres de son équipe. Chez Olow nous sommes deux associés, moi et Mathieu, on communique beaucoup et je lui ai expliqué que je voulais faire ce voyage, que c’était important pour moi. Pour bien travailler il faut aussi être bien dans sa tête, dans ses projets. Donc j’ai pris le temps d’en discuter avec Mathieu et je lui ai dit que s’il était d’accord, je trouverais une personne et je la formerais pour assurer une partie de mon travail. Je n’avais pas prévu d’abandonner mes fonctions créatives, d’élaboration de collections, mais c’était surtout la partie communication que je ne pouvais plus effectuer.
Après je pense que l’on ne s’arrête jamais totalement de travailler lorsque l’on a une boîte, même en voyage j’essaye toujours de choper des inspirations que ce soit à l’endroit dans lequel je me trouve ou sur internet. Je fais toujours de la veille, même inconsciemment et je ne pense pas que cela m’apporte trop de charge mentale. Donc je ne dirais pas non plus que le voyage ait révolutionné ma manière de travailler. En vrai, dans la vie de tous les jours, j’ai l’impression que c’est déjà un peu le cas, je peux travailler dans mon jardin, quand je fais du vélo, quand je marche dans la rue ou en discutant avec des amis. Au final, tout est du travail, mais rien n’est du travail. Pour moi on s’impose beaucoup de choses et finalement tout est possible, il suffit d’être dans une relation saine et de confiance avec la personne avec laquelle tu travailles et avec tes équipes. Il faut écouter les autres, ce qu’ils ont envie de faire, ça peut apporter beaucoup à la boîte aussi.
Qu’est-ce que ça t’a apporté sur le plan professionnel ?
Sur le plan professionnel cela m’a beaucoup inspiré, je suis revenu avec beaucoup de nouvelles idées. Cela m’a également permis de prendre du recul sur tout, y compris sur ma manière de travailler et l’organisation de Olow. Le problème c’est que quand tu as la tête dans le guidon au travail, une routine peut rapidement s’installer, les tâches à réaliser font que tu oublies un peu les principes que tu avais, tu as tendance à foncer de manière bête et méchante.
"Le problème c’est que quand tu as la tête dans le guidon au travail, une routine peut rapidement s’installer, les tâches à réaliser font que tu oublies un peu les principes que tu avais, tu as tendance à foncer de manière bête et méchante."
Et sur le plan personnel ?
Je pense que partir en voyage permet en un laps de temps assez court de concentrer beaucoup de découvertes que tu pourrais vivre tout au long d’une vie. En peu de temps on rencontre tellement de gens, de cultures, d’animaux ou de paysages, c’est une richesse, une chance qui te permet d’en sortir grandi. Tu peux également te sentir invincible, car tu es constamment confronté à des choses qui vont te sortir de ta zone de confort, cela te change en tant que personne, tu te sens plus fort. En voyage, tu apprends aussi que tu n’es jamais vraiment seul, tu rencontres toujours des gens et même si personne ne parle ta langue, tu trouves toujours quelqu’un pour t’aider.
Ça nous a aussi beaucoup apporté en tant que couple. Ce genre d'expérience, c'est un peu un baptême du feu, ça passe ou ça casse. En l'occurence, ça nous a beaucoup renforcé de vivre ça ensemble. A tel point qu'à notre retour on a eu notre première fille.
