Le carnet
de voyage musical de Samifati
ÉCHANGE AVEC SAMI ET ALEX DE SAMIFATI
Samifati, c’est le pont entre musique traditionnelle et musique électronique. Les nantais parcourent le monde à la recherche de sons, d’ambiances, de voix et d’environnements authentiques et dépaysants, pour livrer ensuite un univers immersif sur scène. Ce qui fait le sel de ce binôme, l’association de la musique à la vidéo. Celle-ci n’est plus un accessoire au service d’un propos, mais un instrument à part entière, au même titre que le violon.
Lorsqu’il a été question que nous organisions un événement à Nantes pour célébrer notre association à Wings of the Ocean, Valentin a tout de suite pensé à ce duo qu’il avait découvert quelques années auparavant. Au-delà d’officier comme DJs pour clôturer la soirée, ils nous ont accompagné toute la journée. L’occasion d’échanger sur leur parcours, leur travail, l’environnement et leurs projets à venir.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Sami / Je suis violoniste et musicien électronique, je m’occupe de toute la partie musique dans le projet Samifati. Avec Axel, on est très inspirés par les voyages que l’on fait, avant même de voyager on achetait des vinyles de musique traditionnelle que l’on samplait, que l’on recyclait, que l’on découpait dans tous les sens. On a ensuite eu la chance de voyager pour faire des tournées et on s’est dit qu’on allait plutôt aller travailler directement avec les musiciens et musiciennes qui jouent ces musiques.
Axel / Je suis vidéaste et je m’occupe de toute la partie visuelle du projet. La particularité c’est que je m'ocupe de la vidéo directement sur scène. Je suis aussi très influencé par les couleurs et motifs que l’on retrouve dans nos voyages.
"Notre musique est un mélange de musique traditionnelle et musique électronique,
avec du violon."
Comment vous-êtes-vous rencontrés ?
Axel / On s’est rencontré lors d’un festival que j'organisais avec des poyes il y a un peu plus de 10 ans. Sami avait une caméra dans les mains, je lui ai demandé si ça l’intéressait de venir filmer avec moi certains concerts et il était chaud. On s’est revus la semaine d’après, je filmais un autre festival, lui il jouait avec son groupe, j’ai fini par faire une vidéo pour son groupe. Lorsque son groupe a splité, on a commencé à travailler ensemble et paf !
Sami / On a du se rencontrer en 2011, et on a commencé à faire un projet ensemble en 2013. On avait commencé à travailler un peu ensemble avant, on était en stage dans la même asso qui organisait des évènements à Nantes, on se croisait souvent.
On s’est rencontré lors d’un festival il y a un peu plus de 10 ans, que j’organisais avec des potes. Sami avait une caméra dans les mains, je lui ai demandé si ça l’intéressait de venir filmer avec moi certains concerts.
C'est quoi votre formation ?
Axel / J’ai fait une école de cinéma à Nantes.
Sami / J’ai fait une école de commerce et ensuite un master spécialisé dans la culture. Je faisais tous mes stages dans les festivals. En école de commerce on ne comprenait pas trop ce que j’avais en tête. Je crois qu’en sortant du bac je ne savais pas trop ce que j’avais envie de faire, si je voulais me consacrer à la musique ou non. Ça a été un peu la solution la plus sûre, de trouver une formation un peu large mais dans laquelle je pouvais raccrocher les wagons avec mes passions. J’ai ensuite fait deux ans de master en production culturelle.
Et pour le violon ?
Sami / J’ai commencé le violon tout petit à 6 ans, j’étais au conservatoire à Lorient, plutôt en musique classique au début, jusqu’à l’adolescence où je jouais plutôt du jazz, du blues. J’ai découvert la musique traditionnelle via le violon aussi, les musiques d’Europe de l’Est, musiques tziganes, musiques irlandaises, indiennes. 10 ans après on a commencé le projet ensemble avec Axel qui s’était un peu nourrit de tout ça aussi.
Vous pouvez nous parler de votre dernier projet ?
Axel / Le dernier projet terminé c’est un album qui est sorti en 2021. Quand le Covid est arrivé on s’est retrouvés un peu chacun de notre côté confinés donc sans trop pouvoir voyager et faire ce qu’on avait l’habitude de faire. On a alors décidé de replonger dans le disque dur, d’exploiter la matière qu’on avait accumulé pendant 6-7 ans de voyage. A la suite de cette fouille archéologique, on a sorti un album et un nouveau live qui a tourné pendant 2 ans.
Sami / C’était aussi l’occasion de recontacter toutes les personnes que l’on avait rencontrées pendant toutes ces années de voyage. Leur parler de nos archives dont on voulait faire quelque chose, savoir si ils étaient d’accord. On est contents d’avoir un peu sortis ça de nos disques durs. A chaque fois que l’on rencontrait des gens, c’était avant tout pour les inviter sur scène, une rencontre de l’instant mais après on ne rejouait plus ces musiques là.
Comment vous en êtes venu à mixer le violon à de la musique traditionnelle ?
Sami / Ça vient de nos influences, c’est venu assez naturellement. Nos parents nous ont fait chacun écouter des musiques traditionnelles. Mon père est marocain donc j’ai baigné dans cette musique d’Afrique du Nord, et puis un peu du Moyen-Orient. Ça fait partie de moi et pour Axel aussi je pense.
Axel / Des musiques d’Europe de l’Est, toujours avec une part de violon quelque part.
Sami / En fait c’est pas vraiment intellectualisé, pour ma part je faisais de la musique sur ordinateur et je faisais du violon en parallèle mais je n’avais jamais eu l’idée de croiser les deux. Quand on a commencé à bosser ensemble, j’avais des vinyles de musique trad et puis je me suis dit « je vais sampler ça ». C’était intuitif, j’avais ça sous la main. De mixer les deux c’est juste une évolution de nos éducations musicales respectives.
Et pour ce qui est de la vidéo ?
Axel / J’ai commencé à bidouiller, même avant le projet, avec des images d’archives et très vite je m’amusais à mixer pleins de matières. Je me faisais mes petits lives tout seul de matières. J’ai commencé jeune à faire des clips, pour des groupes, pour du skate.
Quand on a commencé à bosser ensemble, j’avais des vinyles de musique trad et puis je me suis dit « je vais sampler ça ». C’était intuitif, j'avais ça sous la main. De mixer les deux c’est juste une évolution de nos éducations musicales respectives
C'est quoi votre rapport à l'environnement et à la pollution ?
Sami / On essaie d’y faire attention et c’est un problème que l’on ne peut pas ignorer. Même si on voyage pour faire des tournées, on essaie de faire en sorte de ne pas se déplacer pour des one-shots. Ça n’arrive plus trop. Dans notre développement, on est amenés à rencontrer des artistes et donc voyager en avion mais c’est un peu à contre coeur. On essaie de trouver des alternatives au maximum et de faire attention aussi dans notre vie quotidienne à Nantes. Dans nos voyages on a eu l’occasion de constater que le problème de pollution il est partout. C’est moins visible dans les rues en France.
Il y a certaines zones géographiques où la question de la pollution prend une toute autre importance que chez nous, tant elle est visible de façon parfois démesurée. Comment l’avez-vous vécu dans vos voyages ?
Sami / Dans nos voyages on a eu l’occasion de constater que le problème de pollution est partout. C’est moins visible en France, mais dans d’autres pays ce n’est pas la priorité et ça se comprend car il y a d’autres problèmes à régler avant. Il faut aussi prendre la géopolitique de chaque pays, chaque situation est différente. Dans plusieurs endroits où on a pu faire des tournées, on retrouve des plastiques dans la mer. On constate aussi les dérives du tourisme de masse notamment. Parfois c’est aussi dû au fait que l’on déplace le problème, on envoie nos déchets à l’autre bout du monde et pour ne plus y penser.
C’est moins visible en France dans les rues mais dans d’autres pays ce n’est pas la priorité et ça se comprend car il y a d’autres problèmes à régler avant. Il faut aussi prendre la géopolitique de chaque pays, chaque situation est différente.
Vous avez des anecdotes qui vous ont particulièrement marquées ?
Sami / Au Bénin on a vu une décharge à ciel ouvert composée d’une montagne de chaussures. On a fait une création avec deux artistes béninois, c’est eux qui nous ont amené dans cet endroit quand on se baladait dans le quartier. On est montés dessus, debout. Ce sont des chaussures qui ont été données dans des points Relay, ensuite envoyées dans d’autres pays pour être nettoyées, parfois remises sur le marché, parfois pas. Là c’était une montagne entière de chaussures dépareillées, ensuite triées par des personnes pour retrouver les paires, par couleur, par tas. La quantité est vraiment impressionnante. Un endroit comme ça il doit y en avoir des centaines, notamment avec des vêtements.
Des projets à venir dont vous voulez nous parler ?
Sami / En juin dernier on est allés faire une résidence au Maroc. Avec des artistes marocains qui font de la musique Gnawa, c'est une musique de trans héritée des esclaves d’Afrique de l’Ouest. C’est un mélange entre les musiques de cette région et les musiques du Magreb. Ça faisait longtemps qu’on avait en tête de jouer avec des artistes qui jouaient cette musique et ça s’est fait dans le cadre du Festival Gnawa d’Essaouïa.
On a fait 15 jours de résidence avec 3 musiciens avec comme objectif final un concert. On les a rencontré en arrivant sur place et on n’avait jamais fait de musique avec eux, bien qu’on aie été mis en contact avant, ça s’est super bien déroulé. Contrairement à d’autres créations qu’on avait pu faire dans le passé, l’idée c’est vraiment de pousser cette formule là à 5 sur scène et de refaire des résidences avec eux au Maroc et en France.
Il n’y a pas de raison qu’il n’y ait que nous qui allions nous inspirer de leur culture et de leur façon de la jouer. Ce qui serait super intéressant c’est qu’ils viennent en France et qu’on les amène dans un club écouter de la techno jusqu’à pas d’heure dans un festival, pour pousser la fusion entre nos deux univers. On ne sait pas encore où ça va aller mais on verra en 2024 comme le projet évolue, avec peut être un disque.
