Le soul aromatique de Moses Sumney
DÉLICATESSE, subst. fém. : qualité de ce qui se distingue par sa finesse et sa légèreté, par son aspect gracieux. Nous y sommes, tout simplement en plein cœur. Et plus encore car, au-delà de ces effets léthargiques, de ses effluves comatiques, Moses Sumney déroule sa musique comme un parterre de senteurs inégalées, où les sons semblent suivre le cours du pollen, la naissance d’une fleur, la pollinisation d’une œuvre. Du parfum musical. « Aromanticism » est le parfum soul-folk du moment.
Depuis sa sortie de l’ombre en 2014, Moïse, de son vrai nom, a franchit les étapes, trop vite mais sans les brûler : un raz de marée d’acclamations, des enregistrements silencieux et des représentations en direct. C’est une ascension organique et patiente qui s’est présenté à nous, trop rare pour être occulter dans le climat musical actuel. Au même titre que Benjamin Clementine, et autre Benjamin Booker et Sampha, Sumney transforme les topos classiques (jazz, soul, R’n’B) en les reconnectant à d’autres formes hybrides – des arrangements surprenants et spectraux autour du rêve et de l’amour. En quelque sorte, en bon romantique déchu, il cherche à interroger les constructions sociales autour de la romance, et libère ses affres dans ce disque somptueux.
Entre son Ghana d’origine et la Californie d’aujourd’hui, dans ce tumulte américain où les étoiles se compte par milliers, Sumney s’accroche dans son ascension en déclinant plus amplement ce qu’il avait déjà produit en 2016 dans son EP « Lamentations ». Des structures magiques – le mot est faible. De l’étincelante, de l’infantile et innocente composition qui rappelle les farandoles sonores de Sufjan Stevens, et du « Post Tropical » de James Vincent McMorrow en ce qui concerne la voix chantée. Celle de Sumney, ensorceleuse et melliflue, qui s’apparente au mélange du miel et du citron. Acide et sucrée, elle se faufile à merveille dans les plus beaux titres de l’album, « Plastic » et « Quarrel », qui sont également les plus révélateurs du monde que dépeint Sumney.
Déclaration évasive à la douceur du romantisme et de ses passions dissimulées, ode à la soul introspective « Aromanticism » déteint les arômes d’une musique, un remède à la musique exacerbée et tonitruante où l’opprobre et la déliquescence sonore règnent. Délibérée, serein et conscient de sa servitude à l’art qui l’aime, Moses Sumney et heureusement tant d’autres font partie de la cour majestueuse des âmes éclairées de la nouvelle scène, celle qui peut vous laisser à la fois vide et débordant de vie.