Thavius Beck, du rap à l’électro-plastique
Qui n’a pas recourt à l’électronique ? Même celui qui prétend le contraire, comme enregistrer ses titres de mégalo entre les quatre murs de sa chambre, utilise l’électronique. Et celui qui ne l’utilise pas pense tout de même à l’utiliser. Le principe est simple, la réalité beaucoup moins. Le synthétique fait partie de notre CDthèque, qu’on le veuille ou non. Gloire à Pierre Schaeffer et aux 78 tours rayés de l’après-guerre, qui faisaient valser bretelles élastiques et robes à jarretelles. Sans eux, Presley et Cash seraient vivants et les radios n’alimenteraient plus l’illusion de produits marquetés. Quelle belle ironie !
Assez tergiversé, répétez après moi : « L’électro est bon et respire le modernisme ». Autant le prendre bras ouvert, lourd et dense, cracheur et indécent, porteur d’une dope extra-auditive que le titanesque Thavius Beck arrive à ingérer et à digérer, sans effet secondaire et sous contrôle d’un expert.
Avec ces trous nasaux et sa coupe où 100 peignes pourraient bavarder, Thavius à déjà côtoyé de grands hommes dans l’élaboration de ses œuvres, de Trent Reznor (NIN) à Nas. En tant que musicien et producteur, il est partout là où on ne l’attend pas, caché et déchaîné, dans la composition de musique de film, de remixes, de collectif d’artistes (Global Phlowtations) et d’albums solos dont le premier ‘Decomposition’ (2004) libère une conception qui limite l’étouffement sonore : il pose du rap sur l’électro et non l’inverse. Subtile nuance quand on connait la « musique des jeunes d’aujourd’hui », paroles de patriarches. Sous ces allures de gros dur, on est surpris d’entendre qu’il scratche avant tout sa mélancolie. Il associe des sessions instrumentales avec des beats au flow brûlant et sans pitié. Une ambivalence qu’on peut associer à la bienveillance et à l’inspiration rêveuse de son l’acolyte, le poète et acteur Saul Williams.
Haut les cœurs, Thavius Beck réconcilie le rap avec ceux qui ne l’aime pas et désunie l’électro de ceux qui l’aime. Un choc des genres qui met au feu la dénomination incessante des étalages de disques, des critiques vides et d’une vie sans loi.
© Julien Catala
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