UKNW SOUNDS : NIGHT BEDS (USA)
La poésie ne se destine pas qu’au papier et à l’encre. Elle veut aussi virevolter dans la brise des sons et insuffler des notes charnelles, en maintenant l’idée que le romantisme n’est pas une utopie. C’est au milieu du Tennessee que cet espoir brille encore. Considérée comme le berceau de la musique country, Nashville nous dresse sur du coton l’émotive country-folk de Winston Yellen ‘Night Beds’, un jeune et fier romantique de 23 ans.
Avec son tout premier album Country Sleep, Yellen se déchire sous des sonorités fulgurantes les angoisses de Gram Parsons et les élans passionnels de Jeff Buckley. Son style classique et non dépoussiéré garde la même ferveur que ses patriarches folk. Enregistrés sous de bons augures dans l’ancienne maison de Johnny Cash, les titres de cet amoureux bucolique sont les compagnons d’une virée sauvage en solitaire, ivre d’amour et de passions, en cherchant dans nos rêves les plus purs un ravissement possible. En possession de cordes vocales taillées dans du cristal, Yellen nous renverse avec l’introduction a capella Faithful Heights, qui sent bon l’eucharistie et la fumée de bougie. Et c’est les larmes aux yeux et l’estomac noué qu’on accueillera, tout ouïe, les tristes Even If We Try, TENN et Lost Springs, en gardant sous respect le radieux et déconcertant apogée Cherry Blossoms, qui confirme à quel point ce petit américain joue avec nos sentiments. C’est avec la même volonté que ce songwriter nous présente les vivifiants Ramona et Borrowed Time.
Le climat aigre-doux ne s’arrête pas au disque. On a du mal à croire que les images du clip ‘Even If We Try’ reflètent la nostalgie et le caractère clairsemé de sa musique. C’est désœuvré et saoul qu’apparaît Yellen dans le ralenti frigide d’une bonne beuverie entre amis. Cet écart interpelle autant qu’il fascine. Mais vous n’en serez pas étonner, la célèbre pseudo analyse « combat contre ses propres démons » se place dans le top des charts des artistes torturés. Tout de même, leur malaise reste profond.
De la country-folk à l’ancienne – on est d’accord –. Quoiqu’il advienne, il nous offre volontiers sa plaidoirie comme le confirme ses dernières paroles dans TENN : « Floating on lost springs, to faithful heights I cling ; Sorrow stole my youth, what’s left I’ll give to you » (Flottant dans les printemps perdus, jusqu’aux fidèles hauteurs je m’accroche ; la douleur a volé ma jeunesse, ce qu’il en reste je vous le donne)
Julien Catala