Les graff’ oniriques de Muretz
Si vous vous baladez dans les rues de São Paulo, vous apercevrez sûrement l’un des graff’ de l’artiste Mauro Golin, aka Muretz. Ce brésilien au style enfantin mais ingénieux égaye les murs de la ville par ses créations singulières. C’est avec un immense plaisir qu’on vous fait découvrir cet artiste imaginatif au pays du foot et de la samba…
Bonjour Muretz. Pour commencer, on aimerait en savoir un peu plus sur toi. Quel est ton parcours et quand t’es-tu lancé dans l’art ?
Un de mes souvenirs les plus anciens, quand j’étais gamin, c’était de griffonner partout : les livres, les tables, les murs, tout à la maison était une cible potentielle pour mon inspiration. A l’école, les profs et élèves commençaient à prêter attention à mes dessins et m’encourageaient. C’est à ce moment que j’ai vraiment commencé à développer mon goût pour l’art; c’est devenu un de mes hobbies préférés et la manière la plus facile pour moi de m’exprimer. C’est comme ça que j’ai été pris au piège dans le monde de l’art, et je n’ai jamais pu m’en extirper !
Les traits simples et gras de tes dessins font penser à un univers assez enfantin à la manière des vieux cartoons en noir et blanc. Comment définirais-tu ton style ?
Oui, je pense que mon travail est lié à la joie de l’enfance. Je n’ai jamais vraiment eu l’ambition de devenir un « artiste »; pour moi, le dessin a toujours été une manière de m’exprimer. Griffonner des trucs cons sur des serviettes, sur des livres d’école, sur les murs, etc. et avoir une réaction positive de la part des gens, les faire sourire, a toujours été ma source de motivation. C’est pour ça que j’essaie de garder un style simple (je suis feignant aussi, je l’avoue). Je veux que le message de l’illustration ne soit pas submergé par sa complexité visuelle ou sa beauté. Si tu paies trop d’attention à la forme, tu n’y verras plus le contenu, et vice-versa. Tout artiste doit trouver son propre équilibre.
Pour autant, tes dessins ne s’adressent pas forcément aux enfants. Quels messages et émotions veux-tu faire passer ?
J’aime les choses exotiques comme les anciennes religions païennes, la méditation, les rêves, pénétrer dans des dimensions psychédéliques, etc. J’essaye d’y faire allusion avec une approche fun et ludique.
Tu fais beaucoup de street art. Que représentent les murs de São Paulo pour toi ?
J’aimerais vraiment qu’il n’y ait pas autant de béton dans cette ville… Mais elle a évolué tellement vite et de manière si chaotique qu’on a fini par avoir des murs construits partout. C’est parce que nous, Brésiliens, avons appris à faire du béton et à empiler des briques avant d’avoir appris l’architecture et l’urbanisme. Avec autant de bâtiments et de murs autour de nous, le graffiti a fini par s’imposer comme une énorme culture ici ! Le street art aide vraiment a rendre le béton un peu moins froid et gris, et pour moi, c’est un très bon moyen d’exposer des messages positifs pour les gens. En plus, c’est coûteux de faire du graffiti : le temps, la peinture, les matériaux, la sueur… mais si une de mes œuvres peut faire sourire quelqu’un, alors je me sens vraiment payé en retour.
Comment choisis-tu les endroits sur lesquels tu fais tes graffitis ?
Pour moi, le plus important c’est le message. J’essaie vraiment de trouver des endroits qui sortent du lot et qui ne sont pas entourés d’autres graffitis. J’ai aussi tendance à choisir des murs de mon quartier, que je vois quotidiennement, peut-être parce que j’aime voir mes œuvres aussi souvent que possible. Ca me rappelle tous les souvenirs de quand je les peignais et ça me fait toujours sourire ! J’essaye aussi de choisir des endroits qui sont sur des routes fréquentées, pour que mon art soit vu par le plus grand nombre – oui, je suis vaniteux ! Parfois, c’est un mur sur la voie publique, et je dois donc m’y rendre en douce, tard le soir, et être rapide et prudent. Mais la plupart des spots que je choisis sont des murs privés, où les proprios m’ont donné la permission de peindre. Là, je peux peindre pendant la journée et prendre mon temps afin de produire quelque chose de plus élaboré. Je dois aussi avouer que je peins souvent sur des murs privés sans qu’on ne m’est donné la moindre autorisation. J’aime peindre dessus pendant la journée car je sais que les gens ne se doutent pas que je n’ai jamais eu l’autorisation de le faire. Personne ne vient m’embêter comme ça !
Quel a été le graff’ le plus dur à réaliser ?
Les plus difficiles sont les commandes. Je dois parfois en faire parce que, bon, ça paye ! Mais la véritable beauté et essence du graffiti, ça n’a rien à voir avec l’argent. C’est l’opposé, même ! Le travail payé amène toujours ce sentiment d’avoir quelqu’un qui te guette au-dessus de l’épaule. Ca enlève tout le fun ! J’ai créé des œuvres en plein milieu de la journée avec des milliers de gens qui se promènent à côté ou qui m’interrompent, mais vu qu’il n’y avait pas d’argent en jeu, j’étais détendu, je m’amusais, je travaillais facilement, avec décontraction. Ceci dit, bien sûr que ça fait plaisir d’avoir quelqu’un qui te paye pour que tu peignes, c’est une preuve de reconnaissance de ton travail ! Mais en tant qu’artiste, tu te dois de te focaliser sur le fun et le but de ton art, et non la compensation monétaire. L’argent, la reconnaissance et la gloire sont de très bons serviteurs, mais de très mauvais maîtres !
Il y a une forte présence de l’espace dans tes dessins. Je pense par exemple à Star Hunt, Acid Universe ou encore Space Painter. Que t’inspire l’univers ?
C’est l’infini. C’est mystérieux. C’est en chacun de nous. Je suis fasciné par tout ce qui touche au surnaturel, ce qui est étranger, la science, la religion, la méditation, la spiritualité, et j’essaie souvent de représenter ça dans mon art. Mais surtout, j’aime dépeindre l’espace comme une représentation de la transcendance du monde matériel, un coup d’œil vers l’inconnu et vers l’espace infini.
Tes personnages ont souvent des membres déformés et démesurés. Pourquoi joues-tu ainsi avec l’anatomie du corps humain ?
Disproportionné ? Vraiment ? Bon, je vais devoir m’entraîner un peu plus avec les planches d’anatomie alors. Je rigole ! Parce que je trouve que la vie est déjà assez réaliste, pourquoi ne pas la déformer avec l’art ? C’est amusant de jouer avec ça, voir ce qui arrive quand tu joues avec des dimensions absurdes. Changer le corps d’un personnage change aussi son langage corporel ! Donc je suis certain que jouer avec ces choses-là peut accentuer et mettre en valeur le message que tu souhaites faire passer.
On aime beaucoup ton graphisme des deux sardines sur notre tee-shirt PLUMARD pour la collection Spring-Summer 2016. Quelle est l’histoire derrière ce dessin ?
Et bien c’était une idée que j’avais pour un graff que je voulais faire sur des rideaux de fer de magasins. Je voulais faire une blague sur ces portes, et je me suis dit que le meilleur moyen était de les représenter comme une boîte de conserve, avec quelques sardines allongées confortablement à l’intérieur, comme si elles étaient dans un lit bien douillet – même si des sardines en conserve ne sont pas dans un situation bien douillette ! Mais je pense que c’est pour ça que cette idée plait. C’est de l’humour noir gentil.
Peux-tu nous faire découvrir un ou deux artistes brésiliens que tu apprécies particulièrement ?
J’ai grandi avec les graffitis de Gemeos et Alex Hornest (Ornesto) qui étaient partout à Sao Paulo, ils m’ont bien marqué. J’apprécie le travail de Mudo, qui a un street style très brut et un bon sens de l’humour. Deco Treco aussi a un style super puissant, vraiment magnifique ! Et je suis fan de Speto parce que son art me rappelle l’art populaire Brésilien du nord-est, que j’adore. Tous ces artistes communiquent beaucoup au sein de leur travail, ils ont su trouver un réel équilibre entre la forme et le contenu, et j’admire ça.
Quels sont tes projets à venir ? Pourra-t-on espérer voir tes graff’ ailleurs que sur les murs de São Paulo ?
En ce moment, je suis en train de peindre un mur au « Beco do Batman », une rue célèbre pour le graffiti à Sao Paulo, mais j’ai aussi des nouvelles idées qui n’attendent que le mur parfait – la plupart sont à l’étranger, d’ailleurs. Je lance un appel aux gens de Londres et de Miami : je suis à la recherche d’un mur pour une des mes œuvres 3D. C’est une évolution depuis l’idée originale 3D, je ne peux pas en dire beaucoup, mais ça implique une technique que personne n’a encore utilisée jusque-là. Le résultat sera vraiment magnifique ! Je suis également en train de réunir des travaux pour une expo solo qui se tiendra courant 2016 en Angleterre, à la galerie Moosey Art, à Norwich. Restez à l ‘écoute !
Un grand merci à Muretz pour ses réponses.
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-M.P