Sóley et son insatiable « Endless Summer »
Terre de glace, de feu et d’air frais. En somme, la Terre de tous les éléments. Ils y vivent dans une harmonie cyclique et s’autogèrent sans bruit, dans une sérénité ahurissante que rien ne peut atteindre. Son invincibilité, sa nature qui semble rester de marbre face à l’hostilité du monde, est d’une rareté absolue. Sa convoitise s’accentue, se rêve et se digère. L’Islande de Sóley n’a rien d’exceptionnel – du moins pour elle. Pour les autres, elle a tout de la sagesse.
Depuis son premier album « We Sink », dans lequel elle proclama son amour pour la mécanique instrumentale et artisanale, Sóley a fait couler pas mal de bile. Une bile qui ruisselait intensément dans « Ask The Deep » et « Krómantík » en formant un amas de vive mélancolie, de ce temps où elle questionnait le néant avec ses orgues et ses murmures, de ce recul doux-amer qui suscitait tant de tremblements épidermiques. La noirceur semble s’être atténuée, balayée par une saison – ou un état présent – que l’artiste rêve éternelle. L’été et son infinie chaleur. La sortie de « Endless Summer » est imminente. « J’adore juste l’idée de ce besoin de l’été, de ce désir insatiable », me soutient-elle par messages interposés. « J’aime l’été, j’aime l’attendre et le vouloir. Je n’irai pas jusqu’à dire que ‘Endless Summer’ est un album d’été mais il est certainement un peu plus positif que mes précédents travaux. C’est un album d’espoir et de désir. Je l’ai écrit pendant une période d’un an et suis donc passé par toutes les saisons en le faisant. C’était vraiment intéressant – et je me souviens comment je me sentais en toute saison et de comment cela a affecté mes compositions. »
Son année d’autarcie artistique – d’écosystème musical – à également permis de galvaniser son propre style. Tout en collage et design sonore, la musicalité de Sóley revendique une approche artisanale et naturelle de la nature, sans esbroufes ni ajouts qui ne ferait que dénaturer son travail. Tout n’est que mécanique du son : la boite à musique du début de « Úa », le vent glorieux de « Inbetween », les cuivres et l’harmonium de « Sing Wood To Silence », et même l’art graphique de la pochette qui présente en patchwork couleurs, traits de craie et visage de son monde. « C’est mon univers musical préféré, comme composer des morceaux bizarres et complexes. Un de mes objectifs sur cet album était d’écrire des chansons sur le piano où je devrais avoir besoin de pratiquer, de jouer et de chanter – et ça a marché. »
Fugace, l’air serein et enjoué – comme le montrerait l’enfance – le travail de Sóley se réveille partout, est partout, dans le moindre amoncellement du quotidien et de ce qui gravite autour : « C’est un cliché à dire mais oui, la nature m’inspire. Le monde m’inspire vraiment. La détente d’être dans la nature, c’est quelque chose qu’on ne pourra jamais comparer. » Comme quelque chose d’usuel, de facile, à portée. L’intelligence est là, d’attraper au vol la simplicité au lieu de la torturer, de se torturer. S’accoutumer à la sagesse est difficile. « Endless Summer » comme un été islandais, un tournant liminal, un changement de conscience sans fin dans lequel l’artiste nous invite l’esprit ouvert.