Thibaut Gleize, l’artisan de l’imaginaire
De l’anthropomorphisme à l’absurde le plus total, Thibaut Gleize manie l’image avec humour et justesse. Ses nombreuses compétences techniques et ses influences diverses se mélangent joyeusement pour créer des œuvres ironiques et malicieuses à partir du quotidien. Nous sommes allés à sa rencontre à l’occasion de notre collaboration pour la collection Spring-Summer 2016…
Salut Thibaut. On peut dire que tu as un savoir-faire hors du commun ! Tu as une formation en ébénisterie, en marqueterie et en infographie. Comment ses compétences t’ont-elles guidé vers le dessin ?
Je pense que c’est le dessin et mon coté créatif et manuel qui m’avaient guidé vers ces formations professionnelles. Même si je n’ai finalement pas pratiqué ces métiers, j’en garde un savoir-faire et une méthodologie qui me suit dans mon dessin et mes installations. Mon expérience d’infographiste m’a quant à elle amené à m’intéresser de plus près à l’illustration, au graphisme etc., et c’est sûrement la combinaison de ces différents parcours qui m’a conduit vers le dessin.
Ton style est hyper décalé. Tu dessines aussi bien une boîte à pizza qui sert de ring de catch qu’un parachute en forme de sein. Par quoi es-tu inspiré ?
Par beaucoup de choses : la culture américaine, la télé de mon enfance, beaucoup d’internet aussi. La bouffe, les beaufs, les Landes… Je pars d’une idée de base qui serait par exemple la pizza, et je me demande ce qui pourrait être marrant de faire à partir de cette base-là ; je recherche effectivement le côté décalé. L’idée finale m’intéressera uniquement si elle est absurde et marrante.
Pourquoi détournes-tu ces objets et ces personnes de tous les jours ? Qu’est-ce que cela signifie pour toi ?
J’essaie de faire un dessin personnel et qui me correspond à partir des objets et personnes réelles ou fictives de mon quotidien. Je les croise avec une ou plusieurs idées farfelues et essaie de les intégrer harmonieusement dans une composition le plus justement mêlé possible. Sergeant Paper avaient dit « Les bêtes ont des allures d’hommes tandis que les hommes ont des allures bêtes » ; je trouve que ça résume bien ma démarche.
Lequel de tes dessins te ressemble le plus ?
Le plus facile serait de répondre mon autoportrait mais au fond je suis un mélange entre un bibendum saucisse et une grosse femme langoureusement allongée sur une tong Leclerc.
Comme Martin Parr, photographe que tu admires beaucoup, tu as un peu cette passion pour l’Amérique du Nord et la junk-food. Qu’est-ce qui te fascines là-dedans ?
J’ai grandi dans les années 1990 et tout cela fait partie de la culture populaire de l’époque par les dessins animés, les pubs… Et surtout les films, qu’on ne pourrait plus réaliser aujourd’hui parce qu’ils glorifiaient une espèce de capitalisme tapageur mais visuellement hyper intéressant avec du recul car c’est l’opulence, too much, coloré, doré, brillant… Sur le moment ça me faisait rêver, aujourd’hui je puise dans ce bonheur artificiel une vision du monde ironique, décalée, absurde.
De la même manière, tout le merchandising autour du bicross, du skate, de manière générale du sport américain, comme les mascottes, les logos, et le rêve que tout cela vend sur fond de patriotisme white trash. J’ai eu la chance de côtoyer cet univers de près quand je vivais au Canada et c’était fantastique de voir tout ça avec des yeux d’adultes, tout en restant le consommateur que je suis.
Une photo de l’artiste britannique qui te plaît particulièrement ?
Je dirais la photo en gros plan d’une femme bronzant avec des lunettes de protections de cabine à UV, tirée de la série Benidorm, même si j’ai encadré chez moi la photo du slip drapeau américain du livre Life’s a beach rapportée d’un voyage à New York. J’aime me dire qu’il est absolument impossible de faire la même chose avec un drapeau français, même sur une plage landaise, parce que personne n’aura l’idée de se dire que c’est cool d’être patriote et de porter notre drapeau en slip.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de collaborer avec OLOW ?
Je connaissais Olow de par leur collaboration avec des artistes que je suivais, et leur sélection m’a emballé. C’est une belle marque fondée par deux amoureux des belles choses, qui font les choses bien, mettent en avant leurs artistes en les respectant ainsi que leur travail. Ils restent ouverts et dans une démarche d’évolution constante, et du coup font confiance aux jeunes artistes comme aux plus confirmés.
On aimerait parler un peu du tee-shirt BRONZETTE. Pourquoi faire bronzer des touristes sur le front d’un présentateur télé américain ?
Ma démarche se situe plutôt dans le « Pourquoi pas » ! Parfois il ne faut pas chercher d’explication : des idées s’associent toutes seules dans mon esprit et se croisent avec des images préexistantes ; d’autres fois, j’ai un objectif bien précis, mais je ne suis jamais volontairement dans la dénonciation ou la provocation, je veux juste m’amuser et amuser les gens.
Et pour le tee-shirt AQUA SPLASH : quelle est la métaphore ?
Le titre « Aqua splash » est une reférence au film « La cité de la peur » qui est un concentré de non-sens et d’humour absurde. Pour le contenu, c’est là aussi un mélange d’idées autour du thème loisir, des vacances : comment allier le farniente de ces deux beaufs à leur goût probable pour le barbecue ? C’est aussi un clin d’œil aux parcs marine-land et toute l’esthétique qui en découle, où les dauphins sont surtout des animaux de cartes postales ou de boules à neige, un genre de souvenir kitsch.
En juin dernier, tu as auto-édité ton recueil d’illustrations « L’Art de se faire des amis et d’être heureux » en 200 exemplaires. Pourquoi as-tu ressenti le besoin de regrouper tes œuvre dans un seul et même support ?
J’avais déjà fait en 2013 un fanzine intitulé Composition. C’est un bon moyen de partager mon travail via un autre canal que les réseaux sociaux. C’est un objet que les gens peuvent garder, et qui a été un bon support pour de l’échange et des rencontres. J’ai donc eu envie de renouveler l’expérience, avec cette fois-ci un fini plus abouti, qui s’éloigne un peu du fanzine photocopié pour se rapprocher d’un petit livre à part entière.
Début 2015, le projet de cette autoédition avait déjà germé quand Sergeant Paper m’a proposé une exposition pour juin : j’ai donc dégagé rapidement un thème commun à mes derniers dessins, et j’ai poursuivi dans cette voie. Nous avons donc profité du lancement de l’exposition pour sortir le livre. Je suis membre de l’asso’ Disparate qui est une fanzinothéque, et bien plus, et j’évolue donc pas mal dans l’univers de l’autoédition et du graphzine, ce qui me motive a sortir des livres, des prints, etc.
Quel est ton prochain projet ? Ta prochaine expo’ ?
Je planche actuellement sur un nouveau projet de livre sérigraphié par Mehdi Beneitez des éditions du Parasite. L’idéal serait de pouvoir comme pour « L’art de se faire des amis et d’être heureux » déboucher sur une expo en 2016. Mais il y a encore du boulot.
Merci à Thibaut pour ses réponses.
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-M.P