J. Bernardt et sa disco qui pleure
Dans une levée toujours plus exponentielle de groupes qui mélangent et brassent des genres à profusion, comme bloqué sur l’hypnotique tornade d’un blinder où fruits et légumes se conjuguent pour un goût merveilleux, J. Bernardt n’est pas l’exception qui confirme la règle mais est une exception quand même. Une belle exception au même titre qu’Alt-J qui se relaxe, Unno faisant sonner sa sirène ou encore Nick Hakim accompagné de ses jumeaux verts. Dans des moments où les claquettes chaussettes se mettent à faire de la musique – plus mauvaise que bonne – la mixture de l’artiste est pleine de vitamines. La B9, la C, la E plus celle qu’on ne connaît pas. Celle qui ébranlent nos stimuli. Brancher nos écouteurs sur « Running Days », c’est s’exposer à une décharge hormonale incontrôlée.
Sous ce nom de philosophe introverti se cache le nom de plume Jinte Deprez, chanteur-compositeur et multi-instrumentalistes dont la carrière a pris son envol dans le groupe belge Balthazar. À la sortie de ce travail d’équipe, Deprez ne nie pas avoir eu du mal à s’extirper du l’univers du groupe et de sa logique de création. « J’ai beaucoup d’automatismes quand je compose, si bien qu’au départ je continuais à produire en solo une musique très proche de celle de Balthazar », explique-t-il. « En travaillant seul, j’ai appris qu’il était plus facile de composer de la musique que de véritablement terminer un morceau. Et c’est sans doute la partie la plus intéressante de l’expérience – et celle dont j’avais le plus besoin – car lorsque vous vous engagez sur cette route, vous vous découvrez vous-même ».
En expérimentant des tonalités sur un Korg PolySix, Deprez a commencé de nouveaux confins musicaux, basé sur son amour des 60’s crée avec Balthazar et sa curiosité inassouvi que le travail à plusieurs contraignait parfois. L’exploration de sens et genres, en passant de la soul au jazz, du R’n’B au folk, il se concentre à se détacher complètement du Deprez qu’il connaît, du Deprez qu’il redoute. Il mue, se crée une nouvelle peau, libère son serpent à sonnette. « Alors que la carrière de Balthazar s’envolait, les tournées se sont allongées, les équipes et l’implication du label se sont développées. J’ai vraiment ressenti le besoin de m’éloigner un peu de tout ça, de trouver quelque chose de nouveau et plus simple, direct. Quand tu écris un album avec un groupe, c’est difficile de parler de sujets personnels car tu ne l’exprimes pas seul, tu l’exprimes à travers quatre autres personnes ».
Naissance plurielle. Sens surdimensionné dans un seul cerveau. J. Bernardt multiplie les effluves chaleureux, évite les clichés et les carcans prémâchés. Il s’amuse à décrire sa musique à fleur de peau comme du « Disco qui pleure ». Sans être mélodramatique, ni triste pour un sou, ni trop heureux et abusé par des émotions extrêmes, Deprez dépeint ce l’humain est dans une journée, une semaine, un mois et plus. Les jours qui courent, les jours qui défilent. Il dépeint ce que chacun ressent ou non, se soignant d’une émotion par une autre, d’un tracas par un plaisir, d’un cri par un baiser. Rien de plus. Rien de moins.