A song to bring you home
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L’Angleterre est une si petite île; c’est peut-être ça qui donne cette faim de s’échapper.
Aussi longtemps que je me souvienne, notre famille a toujours été une bande de vadrouilleurs. À vingt ans on a zoné l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Sud et du Nord. De retour à la maison, en Angleterre il n’y a ni canyons, ni salars, ni geysers ou montagnes, aucun volcan ni désert, ou autre caprice de la nature qu’on a été chercher ailleurs. Le relais des saisons vient sans la fougue qui l’accompagne à l’étranger, où la métamorphose de l’automne à l’hiver est stoïque et pleine de drame. En Angleterre, les changements d’un mois à l’autre sont des nuances. Été comme hiver, le pays entier est embaumé de brume et une fine dentelle de pluie.
Mais la beauté est ailleurs. Elle est dans les petites choses. L’odeur de la terre et les feux de camps, les batailles de pommes et le cidre chaud, les arabesques de la ronce des haies, la buée bleuâtre suspendue aux matins. À l’étranger la nature est faite d’audace et de défi; en Angleterre elle est fertile et pleine d’énigme. La rosée tend des colliers de perles aux toiles d’araignées, une percée de soleil entraîne l’euphorie, la mélancolie des hivers s’attarde l’année entière. C’est la vraie terre maternelle, un monde sauvage où on s’abandonne sans retenue car on la connaît pour n’être jamais trop rude ou contrariante. C’est la jeunesse et le goût de la maison. Le reste du monde a ses étés et océans, mais ce bohème-là c’est mon tout.