L’art naïf de Barry Lee
Barry Lee, c’est un peu la rencontre accidentelle entre Pablo Picasso et The Muppet Show. L’illustrateur basé à Atlanta propose une sorte d’art naïf aux couleurs criardes qui donne une dose de fun et de joie pour le reste de la journée. À peine sorti de l’école d’arts, Barry expose déjà dans plusieurs lieux clés de la culture à Atlanta en Géorgie. C’est avec plaisir qu’on se prend une claque de bonne humeur en découvrant son univers…
Salut, Barry. Tu sors tout juste d’un diplôme d’arts à Atlanta. Pourquoi avoir choisi l’illustration comme moyen d’expression ?
J’ai eu mon diplôme il y a presque trois ans déjà, ce qui est carrément surréaliste. Je dessinais plein de bandes dessinées et de scènes bizarres quand j’étais gamin. Au début, je pensais vouloir me lancer dans le monde de la BD alors qu’honnêtement, je n’en lisais aucune, sauf « Peanuts ». Après, je pensais vouloir travailler dans l’animation jusqu’à ce que je me rende compte que je n’allais pas avoir beaucoup de liberté créative dans ce milieu (tu sais, pour des raisons purement égoïstes). Donc le truc qui m’a attiré vers l’illustration c’est de pouvoir faire beaucoup de projets différents, commerciaux ou plus artistiques, et surtout faire ce que je voulais. J’aimais le fait que tous ces moyens d’expression artistiques soient à ma disposition tout en préservant ma sensibilité.
Tu es né avec le syndrome de Nager qui engendre une malformation des membres. Comment as-tu réussi à en faire une force dans ton travail artistique ?
Il y a quelques années, j’ai monté une expo’ intitulée « Home Is Where You Drown » dans un coffee shop plutôt populaire à Atlanta. L’expo’ traite des problèmes que j’ai pu rencontrer en grandissant avec ce syndrome dans une petite ville. Plus jeune, j’utilisais souvent l’art comme forme de mécanisme d’adaptation, et au fil du temps, j’en ai fait une carrière. Chaque illustration est basée sur une histoire ou une série d’évènements auxquels j’ai été confronté, que ce soit l’incompréhension des gens face à mon appareil auditif, le sentiment d’être différent dans une ville non-diversifiée, ou la manière dont les gens me fixaient du regard. Ce syndrome est tellement rare que les gens interprètent mal ce que c’est.
J’avais également écrit des histoires à côté de chaque dessin; c’était quelque chose d’assez délicat à faire dans un endroit aussi public, mais aussi vraiment important de renseigner les gens sur mes expériences afin d’aider les autres à mieux comprendre les différences mais aussi comment réagir face à elles. Ce n’est pas mon syndrome qui me définit mais mon travail ainsi que ma personnalité. Une fois que je me suis rendu compte de ça, ma vie s’en est trouvée libérée.
On te sait et on te sent profondément inspiré par le vintage, The Muppet Show et Picasso. Peux-tu nous expliquer comment tu mixes toutes ses influences ?
Jim Henson et Pablo Picasso m’ont tous les deux beaucoup inspiré. Gamin, je dessinais souvent les personnages de « Sesame Street », donc je pense que le délire « nez détaché » vient de là. Les gens posent souvent la question « pourquoi le nez est-il de couleur différente ? », à laquelle je ne sais pas quoi répondre… Ça fait partie de mon histoire et de mes habitudes. C’est marrant quand les gens essayent d’interpréter ça.
Tes dessins sont toujours remplis de couleurs vives et funky sans pour autant mettre tes personnages dans des situations grotesques ou humoristiques. Quelles sont les émotions que tu essayes de faire passer à la personne qui regarde tes œuvres ?
Dans ma tête, je me demande souvent « qu’est-ce-qui va me faire sourire ? » ou bien « qu’est-ce-que j’aimerais voir chez moi ou chez quelqu’un d’autre ? ». Je pense que si j’arrive à faire marrer quelqu’un ou égayer une journée, j’ai fait mon boulot en tant qu’artiste. Je veux que mon travail cultive une expérience joyeuse.
Tu fais beaucoup de portraits. Pourquoi aimes-tu dessiner les gens ?
J’ai toujours adoré regarder les gens passer. Je suppose que je suis un peu solitaire. Parfois, j’aime être quelque part et juste regarder les gens car ils me fascinent énormément. Le monde est une source intarissable d’humanité, et je suis toujours étonné quand je pense au fait que nous sommes tous différents mais nous avons tous cette connexion du fait que nous soyons humains. Je pense que c’est pour ça que j’aime dessiner les gens. J’aime montrer cette diversité (même si c’est au travers de violets, bleus, et rose néons).
Sur notre tee-shirt TERRONT, on reconnaît le coureur cycliste français du même nom. Qu’est-ce qui t’as intéressé chez lui ?
Quand je faisais cette illustration, je ne connaissais rien au sujet de Terront donc je me suis beaucoup amusé à découvrir tout sur lui. Je trouvais intéressant le fait qu’il soit le premier cycliste « célébrité » et il a vraiment une moustache sublime !
On a appris que tu avais fait une collab’ avec le magasin de skateboards Mom’s Sweet Shop situé en Caroline du Nord. Quel est ton rapport au skate et à la street culture ?
J’ai grandi à Nags Head, en Caroline du Nord, une petite ville balnéaire qui compte beaucoup sur le tourisme estival. Quand tous les gamins faisaient du skate dehors, moi, je dessinais à l’intérieur. Donc quand Mom’s Sweet Shop m’a demandé de leur créer quelque chose, ils voulaient que je dessine les personnes âgées qui visitaient souvent la plage l’été en mettant deux de ces touristes sur un skateboard. Je vois beaucoup d’ironie dans ces skateboards : premièrement, je n’en ai jamais fait car j’ai vraiment le pire équilibre du monde, deuxièmement, ces personnages sont des touristes âgées sur des skates qu’utilisent la population locale, donc c’est juxtaposer deux mondes différents sur un seul et même produit. Je pense que l’idée de Derik Wineland, l’un des proprios du magasin, a été très astucieuse, car les skateboards sont en rupture de stock.
Avec The Bookhouse Project tu as réalisé toute une série de portraits de personnages de films et séries mythiques comme Princesse Leila, Alex d’Orange Mécanique, Gandalf ou (plus récent) Heisenberg de Breaking Bad. Qu’est-ce qui t’as poussé à lier ton art avec ses figures emblématiques de la culture télévisuelle et cinématographique ?
« The Bookhouse Pub » est un bar à Atlanta où mes meilleurs amis et moi allons souvent. Cela fait maintenant cinq ans que nous y allons. Le nom vient de l’émission « Twin Peaks », même si le bar n’est pas basé entièrement dessus – il y a plein d’éléments dans le bar qui sont des clins d’œil à la culture pop. « Bookhouse » est très chère à mon cœur, je connais la plupart du staff et les proprios. Ils m’ont vu au meilleur et au pire de ma forme.
Je pense aussi que je suis le seul à commander le sandwich au poulet là-bas, donc je suis content de le maintenir en vie. Murphy, le proprio, m’a demandé de faire une série de portraits pour un mur entier du bar. Ils jouent toutes sortes de films fous sur leur grande télé, donc je me suis basé sur les films et références que j’avais déjà vu dans le bar, et j’ai fait une liste d’à peu près 30 icônes. Je voulais que ce soit des personnages que les gens reconnaîtraient ou aimeraient. J’ai fait quelques petits hommages au staff aussi, dont un portrait du chien d’un des barmen. L’installation des portraits est permanente maintenant, et à chaque fois que j’y vais, ça m’amuse de regarder les gens essayer de trouver qui est qui.
On peut reconnaître Bill Murray dans La Vie Aquatique de Wes Anderson sur notre tee-shirt ZISSOU. Tu as aussi dessiné le portrait du jeune scout de Moonrise Kingdom du même réalisateur. Qu’est-ce qui t’attire dans l’univers décalé du cinéaste ?
J’adore comment Anderson crée des films en hommage à des époques différentes de l’histoire du cinéma. J’aime aussi comment ses films sont des mondes dans lesquels tu peux t’échapper. Les couleurs qu’ils utilisent sont toujours magnifiques.
On dit qu’Atlanta est un lieu assez actif au niveau de la culture et de l’art. Comment la ville t’encourage-t-elle dans ton travail ?
Atlanta est une ville géniale ! Ils s’efforcent à soutenir les artistes locaux, et les artistes de la communauté se soutiennent aussi les uns les autres ; c’est très encourageant.
Tu te dis hyper ouvert à toute collaboration. Quels sont tes projets pour 2016 ?
J’adore collaborer avec des entreprises et des artistes. En décembre, j’ai fait une expo’ sur un thème nautique avec des artistes géniaux d’Atlanta. Je crée quotidiennement, mais j’ai tendance à me focaliser sur un jour à la fois, donc je ne suis pas certain de ce que je ferais demain. Mais je sais que j’accueillerai à bras ouverts ce que le futur m’apportera. J’aimerais vraiment faire plus de fresques.
Un grand merci à Barry pour ses réponses.
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-M.P