Bob Mazzer, moments de gloire souterraine
Dans la bruine collante d’une fin de semaine où le soleil s’est senti surpuissant, j’ai vu une tête d’horloge derrière la vitrine de la Howard-Griffin Gallery. Shoreditch High Street, 17h42. Elle pourrait être la version moderne du lapin stressé de Lewis Carroll ou la métaphore alambiquée du stress flottant dans les élans chronométrés du métro londonien. Sinon, laissons courir l’instant, le moment photographié dans le seul but d’avoir un cliché original. Les interprétations qui soumettent le pourquoi et le comment viennent ensuite, une fois que la rétine ait envoyé l’information à notre système nerveux, que l’intelligible machine cérébrale puisse omettre LA vérité parmi les 100 autres réflexions chuchotées de la foule contemplative de la galerie. On est souvent sûr de détenir la vision de l’auteur. On se dit que le message est évident, transparent : « C’est sur qu’il voulut dire ça ! » Mais doit-il être forcément existant ? L’art doit bien avoir ses faiblesses. Apprécier la nudité de sens vaut souvent bien mieux. L’esthétique suffit et les images arrivent, sans que nos méninges finissent comme une boite à fusibles.
Une série de photographies détale sur les murs décrépits, deux banquettes de métro sont au centre de la salle. L’exposition « Underground » de Bob Mazzer est la cerise sur une vie passagère, des parts de doux délires qui coupent le chemin du raisonnable, l’extravagance glorifiée par des instants de bonheur désorienté. Tout en travaillant comme projectionniste dans un cinéma porno du centre de Londres des années 80, Bob commença à prendre des photos durant ses trajets quotidiens. « Tous les jours, je me rendais à King’s Cross et je rentrais chez moi tard dans la nuit. C’était comme une fête, le métro était la mienne et j’étais là pour prendre des photos. » L’humanité était à sa portée, l’humour déluré, les tendres moments, les assoupissements en masse, les envies pressantes, les moqueries, les amoureux qui se séparent, les dérangés. Des fourmis qui grouillent dans leurs tunnels, avec leurs débuts et leurs fins précises, ou parfois leurs errances. Je m’y projette, on s’y projette forcément. Nous en avons vu. Nous en avons eu aussi, des moments de gloire souterraine.
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