Cars & Trains, mécano de l’âme
Je me souviens de ces heures où le délire dépasse la raison. Je me souviens de ce combiné blanc porteur de funestes mots, de cette sonnerie que tout le monde craint. Je me souviens de l’eau qui glace nos membres, de cette herbe qui fouette nos mollets, de ces jours de fête où l’alcool inonde les cervelles, de ces cris que la joie surprend. Je me rappelle de la naissance des uns et de la mort des autres, des tentes jaunies par le soleil, de l’écume des tempêtes, des orages qui zèbrent le ciel. Je me souviens de l’essence que le chagrin mêle à l’allégresse, quand les souffles se libèrent, quand les visages se taisent et suivent les âges.
La famille et son dessein, un cocon mouvant et imprévible sur lequel sont gondolés les questions et les choix de chacun. C’est cette idée que Tom Filepp développe dans l’album « We Are All Fire », enregistré sous le nom de Cars & Trains. Il compose une narration sur l’art fraternel au service un savant mélange électroacoustique folk qui passe au crible ses dédales les plus intimes. Avec l’aide de plusieurs artistes de Portland (Future Historians, Ascetic Junkies), il essaie d’explorer de sang-froid les plus sinueuses brèches de sa psyché musicale. Sans se complaire dans l’action du couteau et de la plaie, il tisse délicatement la toile de ses souvenirs et les transforme pour les rendre plus aptes à l’écoute et surtout plus faciles à encaisser. De ce fait, des étoiles, du vent, des vagues, des oiseaux, des arbres et naturellement le feu traversent les mots de Tom. Un shaker naturo-élémentaire qui longe la fine séparation de l’illusion, celle de l’hors-champ émotionnel.
Quand certains mettent un point d’honneur à appeler un chat un chat, d’autres s’insurgent et contournent les principes. Filepp irrigue une incroyable musique en pièces détachées, des tintements de fer et de rouille qui sonnent juste, où chaque détail s’imbrique dans la logique d’un horloger. Il balance ses émotions parmi les battements downtempo d’une douce acoustique, talonnés par l’intrusion des cordes frottées, des cuivres et des bruits électroniques. Un Q&A mental poussé dans la magie et l’enchantement d’une tendre expiation.
Tandis que mes pieds titubent d’impatience, je fronce mes sourcils pour me rendre compte du pire. La musique est enclenchée, j’entends « Steep Hills of Vicodin Tears » qui se lamente dans le lecteur et j’ai l’impression que la lumière du matin s’acharne à me pourrir la rétine. Tandis que l’astre s’amuse et que les crampes s’annoncent victorieuses, je cherche ce qui ne va pas dans les confins de mon discours.
« We All Are Fire » de Cars & Trains, disponible depuis septembre 2012 chez Fake Four Inc. Retrouvez toute leur actualité sur leur site officiel et leur page Facebook.