Ghost Culture, le fantôme du dancefloor
Il y a des fantômes qui prennent une place considérable dans la mémoire collective. L’exemple de Casper est sans doute le plus représentatif : ce petit fantôme naïf et joyeux, vilain petit canard malgré lui, qui a attendri notre enfance avec sa voix de prépubère et ses yeux de merlan frit. Il y a aussi Patrick Swayze qui touche encore les fous romantiques et la ménagère de 40 ans par ses apparitions de grand séducteur face à la geignarde Demi Moore. Il y a ceux qui nous entourent tous les jours, qu’on invoque autour d’une table de ouija, qui annoncent leur présence par un souffle dans la nuque, un fracas ou un déplacement douteux de chaise. Il y a ceux qu’on croise dans nos rêves, familiers et amoureux, qui nous manquent éperdument. Il y a les méchants, ceux qui font grésiller une télévision, craquer un mur ou nous font dire des « putain » et des « suce ma **** » les yeux révulsés.
Bref. Il y a aussi des musiciens, des artistes dont l’univers est bourré d’ondes fantomatiques. Ghost Culture, londonien sous tout rapport, a sorti l’an dernier son premier album éponyme sous une pluie d’éloges dans le milieu trépident de la scène électronique. Il n’est pas surprenant que le label Phantasy, mené par Erol Alkan déclare que « cet album est juste la pointe de l’iceberg. Il nous réserve tellement de bonne musique ». On lui connaît déjà de nombreux crépitements et délices électro avec la musique dronique de Daniel Avery (Drone Logic) et l’ambiance transgenre et colorée de Connan Mockasin (Forever Dolphin Love et Caramel). Ghost Culture est un déluge, une affluence de house, de downtempo et de pop hybride qui copule dans la gaieté d’un club nocturne.
Depuis l’annonce d’un premier single « Mouth », le londonien prend au col l’élite de la presse anglaise. Etant « délicieusement dans les vapes » selon Pitchfork et décrit par Dummy comme « un ver d’oreille électro pop qui s’amplifie à chaque écoute », son premier album réinvente la crème de la crème et envoie valser beaucoup de clichés; il est simplement plus intelligent et dénonce sans le savoir le mixage à la va-vite des DJ de disco-mobiles. La boule à facettes est loin, très loin. On la fixera désormais dans l’obscurité de notre chambre. Mais rien ne nous empêche de penser à l’entrain qu’on avait 15 ans plus tôt sur la piste de danse. Le génie est là, populaire et intime à la fois.
« J’ai toujours eu une démangeaison qui avait besoin d’être grattée, tout comme une musique qui serait plus dans le besoin et non dans l’envie. Je me retrouve en moi-même et au travers du rythme des mots et des mélodies qui se pressent à prendre la forme d’un enregistrement pour devenir quelque chose de tangible », dit l’anglais. Cette sorte d’image alambiquée signifie simplement que son urgence est dans la musique, qu’elle devient naturelle au point qu’il soit né pour elle, et non l’inverse. Il serait prétentieux de l’affirmer. Quoiqu’il en soit, le jeune ectoplasme hantera toujours (et on l’espère) les innombrables clubs londoniens jusqu’à être ivre de sons et de rythmes – bien qu’il s’en rapproche. Tout ça pour dire qu’il y a des fantômes que l’on n’oublie pas.
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Le premier album de Ghost Culture est disponible depuis le 5 janvier 2015 chez Phantasy Sound, ainsi que sur toutes les plateformes de téléchargement. Suivez son actualité sur sa page Facebook et son Soundcloud.
Texte par © Julien Catala