Gregory Euclide, la nature en origami
Brick Lane, 12:27. Mon estomac crie famine. J’avance en trombe, le vent glacial face à moi. Je rentre mes épaules, le Carmex sur mes lèvres ne fait plus effet. Les néons fluo-dégueus des restaurants indiens me fatiguent et irrite ma rétine. Intempestifs, comme leurs éternels racoleurs qui s’agite devant la vitrine pour essayer de me vendre un curry liquide et inodore pour £4.25. Mis à part l’écoeurement, mon estomac se serre un peu plus, et ce depuis 27 min. Oui, ma faim a commencé à 12h pile, pas moins, pas plus. Une habitude qui dépasse la logique gastrique, ou qu’il la déclenche, je ne sais plus. En tout cas, l’heure c’est l’heure, je n’y peux rien.
Une fois ma réflexion de poisson rouge terminée, je m’engage dans une contre-allée pour rendre la pâleur à mes joues. Quelques mètres à l’abri du vent et voici que mes yeux, enfin libérés de ces horribles pancartes bollywoodiennes, s’accrochent à la vitrine de la Stolen Space Gallery, « presents ‘Whose Land We Laid Down & Wiped Away’ by Gregory Euclide ». Avant même de pouvoir traduire et comprendre cette phrase à l’attrait pompeux, je rentre guidé par la curiosité. À l’entrée, un vin chaud est proposé. Une bonne femme, hypster dans l’âme, me tend un verre. Désireux d’obtenir une quelconque source de chaleur, mon absorption est radicale. L’acidité bouillante des épices ou du vin brûle mon œsophage. Sans surprise, la seconde remarque me semble la plus juste.
Doublement écœuré, j’arrive dans la salle principale au milieu d’œuvres plus belles les unes que les autres et habitue mes globes optiques à faire le point, tant les tableaux jouent sur les relations matérielles. J’ai l’impression de voir la nature en origami. Des gouttes d’eau éparses, des formes cycliques, feuilles en plastique, spirales, de petits arbres en carton. Tout ce mesclun confère à un ensemble cohérent de beauté, l’osmose réduite d’une forêt en boite. Du baume pour mes yeux. Soudain, stupeur et tremblements (de froid) – Mme Nothomb ne m’en voudra pas pour le jeu de mots -, je tombe nez à nez avec la reproduction originale de la pochette de l’album ‘Corollaries’ de Lubomyr Melnyk. Puis succinctement après avoir faites toutes les relations nécessaires à l’emboîtement fortuit de mes souvenirs, je cherche vivement l’immense pochette de Bon Iver. En vain puisque celle-ci n’est qu’une minuscule copie vendue £100 le centimètre. Je tourne encore quelques minutes avant que la beauté des œuvres réveille ma jalousie. Je sors, la tête heureuse et assouvie. Mon estomac, lui, crie toujours famine.
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