Instafood, survival kits et autres conneries par Elisa Routa
Ce matin, en me réveillant, je me suis fait des oeufs brouillés avec du bacon et un café, en regardant Gulli. Mais, à l’exception de ma mère qui tient absolument à avoir un compte-rendu détaillé de mes journées, cette information ne sortira pas de mon appartement puisque la plupart de mes amis, virtuels ou non, s’en foutent royalement.
Poster une photo de son petit-déjeuner sur Instagram revient, à mon sens, à afficher son pénis en photo de profile d’une quelconque plateforme sociale. C’est de l’exhibitionnisme abusif dont je me passerais bien. Mon diagnostic est définitif, vous souffrez d’un TOC 3G, un trouble obsessionnel compulsif du 21ème siècle, aussi fou que la mystérieuse force qui vous pousse à vérifier votre page Facebook à 3h du matin quand vous ouvrez un œil après avoir changé de côté parce que votre bras droit est paralysé.
A la vue de vos plats soigneusement organisés, coincés dans un cadre géométriquement parfait, le tout affiché sur mon écran de portable, mon sourire a la même couleur jaune pâle que mes œufs périmés de ce matin. Votre assiette n’est pas un appartement qui a besoin d’un agencement particulier ou d’une décoration à la pointe de la mode, inspirée par de grands créateurs Italiens. La purée de pommes de terre en parallélépipède d’un côté, l’escalope de dinde découpée dans un cercle à pâtisserie de l’autre et la noisette de beurre en triangle isocèle dans un coin feraient sans doute couiner Picasso. Sans vouloir douter de la puissance de votre Guernica alimentaire, je me questionne: Est-ce que cette structuration sur porcelaine, aussi jolie soit-elle, soit nécessaire à afficher sur Instagram?
17 millions de photos sur Instafood, des milliers de cupcakes, des centaines de macarons et des tonnes de tartelettes en tous genres plus tard, et nous voici en 2013, l’ère des survival kits un peu utopiques. Nous faire croire que partir en vacances pendant 15 jours avec une chemise, une paire de chaussettes en laine, un appareil en photo argentique qui ne fonctionne pas et un Iphone branché sur un casque audio est suffisant appartient aux fantasmes, aux pornos russes et au monde de Narnia. Bordel, réveillez-vous! Aujourd’hui, qui part vraiment en voyage au bout du monde avec une malle en cuir de 40 cm qui a du mal à fermer alors que Décathlon fait de super sacs à dos à moins de 50€?
Ce matin, mes jaunes d’œuf étaient assortis aux motifs fleuris de mon assiette. Les roses dessinées sur ma tasse de café semblaient en harmonie avec le gras brillant de mon bacon. J’ai trouvé ça joli et délicat. Alors j’ai pris une photo.
Pourtant, puisque les hashtags Instafood me font autant vomir qu’une raclette sans saucisson un 15 Août à Dakhla, en plein Sahara occidental, je ne partagerai pas ce détail de ma journée avec vous.
Je continuerai seulement à m’adonner à mon nouveau passe-temps préféré, faire défiler les milliards de commentaires de groupies inscrits juste en dessous des photos de Justin Bieber, où j’ai d’ailleurs pu assister à de violentes querelles plus sanglantes que certaines scènes de Gladiator.
Merde. J’ai été ‘flashouillée’ par Instagram.
Elisa Routa