JAY NELSON ET SES COCONS DE BOIS
Il a les pieds et les mains raclés par le soleil et le sel. Sa Californie natale lui tanne la peau tous les jours, en haut des arbres ou sous l’alcôve d’une vague. Mais pas seulement, Jay Nelson se tanne aussi à poncer et à rêver. Le bois est son support, sa matière, son outil de pensée. Des cocons, des cabanes, des sortes de chrysalides encastrées dans des véhicules, de surprenants appendices futuristes. On le dit architecte, mais le mot est trop littéral. Il préfère s’exalter pour assembler et rassembler la nature avec les hommes. Vertu originelle.
Soumises à l’extérieur et à l’absorption naturelle, les œuvres de Jay sont des espaces de vie inédits et alternatifs, à la forme fonctionnelle et au fond spirituel. Rencontre avec un homme qui veut transformer et inspirer.
Salut Jay ! Sans être original (mais passage oblige), peux-tu nous exposer un petit peu ton parcours d’artiste ? — Une cabane dans les arbres, un vélo troglodyte, un bateau, un nid…Tes œuvres raniment d’emblée notre âme d’enfant. Y’a-t-il un lien entre l’univers dans lequel tu as grandis et ce que tu fais aujourd’hui ?
J’ai grandi sur la côté de Los Angeles en construisant des châteaux forts, pas loin des falaises et des canyons que forme le littoral. Ce fut ma première expérience de construction en quelque sorte. J’ai passé la plupart de mon enfance à construire, surfer et dessiner. Quand j’avais 18 ans, j’ai déménagé en Californie de Sud parce que j’étais attiré par la nature et j’avais envie de surfer sur des vagues désertes. Je suis allé à l’université, j’ai continué à peindre et à dessiner, puis après la fac, j’ai construit ma première campeuse sur une Honda Civic.
La Honda Civic fut le commencement de mon exploration des espaces de vie alternatifs et de la façon dont l’architecture et les structures peuvent avoir un effet important sur la manière dont nous vivons dans le monde. En même temps, je continuais la peinture.
Avec l’utilisation du bois ou des matières recyclées pour tes créations, tu parviens à les fondre parfaitement dans la nature. Quelle est ta relation exactement avec l’environnement dans ta vie et ton travail ?
J’ai d’abord commencé à utiliser de vieux matériaux, car je n’avais pas beaucoup d’argent. J’ai ensuite commencé à réaliser que le bois recyclé avait une histoire visuelle que le nouveau bois n’a pas. La nature est vraiment importante et je pense qu’elle revient beaucoup dans mes œuvres, comme quand je construis des fenêtres par exemple. La fenêtre est une manière d’encadrer et de partager la nature.
Ce que tu créés est avant tout fonctionnel. Je suppose que tu dois avoir pleins d’anecdotes sur les essais de tes projets. T’en aurais une à nous faire partager ?
Avec les véhicules et les bateaux, le fonctionnel est essentiel, voire imposé et obligatoire. Je n’ai pas de place dans ma vie pour les faux objets. Si je construis un bateau, il doit fonctionner comme un véhicule sinon c’est inutile. Je visualise généralement tout mon véhicule avant qu’il fonctionne, de ses étapes de construction jusqu’à sa finalisation. C’est ma manière à moi d’avancer sans me dire qu’il pourrait être voué à l’échec.
Le premier bateau que j’ai construit n’a pas marché, car que je ne connaissais rien sur les bateaux. Ce bateau est exposé maintenant chez Mollusk Surfshop comme sculpture. Cette création est clairement un échec pour moi.
En termes d’influence sur ton travail, on parle de références gothiques et surréalistes, qui naviguent donc entre l’histoire ancienne et la bulle Sci-Fi. Comment arrives-tu à concilier les deux ? C’est une chose prévue, réfléchie ? — Dans le même esprit, est-ce qu’il y a des monuments, artistes ou valeurs qui t’inspirent ?
Honnêtement, je ne sais pas grand-chose sur l’histoire de l’art ou de comment mes créations pourraient y être liées. Si tu penses que mon travail est influencé par certains monuments, je ne pourrai pas te l’argumenter. Aujourd’hui, il est impossible d’être complètement ignorant. Mais j’aimerais dire que mes influences sortent probablement des années 60 et 70, avec les mouvements de terrain qui existaient aux Etats-Unis. J’ai aussi été très influencé par les publications des Shelter (magazine sur l’habitat et les espaces de vie).
Si un jour on prenait un vol pour San Francisco pour passer du bon temps avec toi pendant quelques jours, quel serait ton programme ?
Je voudrais vous montrer mon quartier au couché du soleil, prendre un déjeuner dehors et vous amenerait dans le studio de mes amis, qui sont aussi mes voisins.
Imaginons ! Je t’appelle dans quelques années en te disant : « Jay ! J’aimerais que tu fabriques nos nouveaux locaux. » Un truc sur mesure, atypique et fonctionnel comme tu sais en faire. Tu me proposerais quoi ?
C’est difficile à dire car dans un an, je serais certainement intéressé par autre chose de complètement différent. Mais je suis généralement attiré par les espaces immersifs. J’aime penser à toutes sortes de surfaces. Sol, plafond, murs, mobilier, luminaire, fenêtres. Je veux juste faire des espaces où les gens se sentent transformés et inspirés.
Allez une petite dernière pour conclure. Si tu devais faire un peu de pub pour un de tes potes artistes qui faudrait qu’on découvre absolument, qui choisirais-tu ?
Je dirais mon ami Kyle Field, musicien dans le groupe Little Wings.
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Textes et propos recueillis par © Julien Catala
En remerciant de tout cœur Jay pour son engagement et sa fureur de vivre.
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