Keith Negley
Après une Licence obtenue au Milwaukee Institute of Art and Design dans le Wisconsin, Keith Negley a travaillé en tant que graphiste pendant quelques temps. Passionné par la musique, il décide de poser ses valises à Seattle pour jouer dans des groupes de rock et faire de l’illustration. Huit ans plus tard, il retourne sur les bancs de l’école à New-York pour obtenir un Master en Arts à l’école des Arts Visuels. Aujourd’hui Keith Negley est installé dans la ville de Bellingham, entre baie, lacs et montagnes. Il se définit lui-même comme un illustrateur « conceptuel », focalisé sur la création d’une émotion plutôt que sur des calembours visuels…
Salut Keith ! Comment t’es-tu intéressé à l’illustration ?
J’ai appris ce qu’était « l’illustration » quand je suis arrivé en école d’art. Quand j’ai dû choisir ma spécialité, j’ai aimé le fait que l’illustration ne soit pas limitée à un seul medium.
Comment étaient tes débuts dans ce milieu ?
Ma carrière a commencé tout doucement. J’ai travaillé avec un agent qui m’a aidé à trouver mes premiers boulots, mais si je me souviens bien, je n’ai eu que 5 boulots éditoriaux la première année après avoir fini l’école. Heureusement, j’avais un boulot à temps plein en tant que graphiste à l’époque. Je suis devenu freelance deux ans après avoir obtenu ma Licence.
Qu’est ce que tu aimes dans le fait de vivre à Bellingham ?
C’est incroyable. C’est une très petite ville, mais qui a quand même beaucoup d’aspects progressistes. Il y a un très bon cinéma indépendant ici, beaucoup de restaurants proposent des ingrédients bio, mais on trouve toujours une place de parking, et il n’y a jamais de circulation. On a une magnifique vue de l’océan et des montagnes, et plein d’endroits où faire des randonnées. Ah, et ici l’air sent magnifiquement bon ! Cette ville a été classée comme celle qui a l’air le plus pur de tous les États-Unis.
Tu as vécu à Brooklyn pendant un moment. Le fait d’habiter à New York a-t-il été bénéfique pour ta créativité et tes rencontres artistiques ?
Absolument. Je pense que tout artiste se doit de vivre à NYC au moins une fois dans sa vie. Le monde de l’illustration y est juste époustouflant, il y a toujours des évènements et tout le monde se soutient et est plein d’énergie. C’est une super ambiance pour nourrir ses idées. T’es aussi dans l’épicentre des éditeurs, donc tu rencontres un tas de personnes géniales connectées à l’industrie, et c’est beaucoup plus simple d’établir des relations avec les clients. Il n’est en aucun cas nécessaire de vivre à NYC pour réussir, mais pour l’illustration c’est le centre de l’univers.
Tu as crée le Tumblr « Part Man / Part Negative Space ». Pourquoi avoir créé ce Tumblr ? Que signifie-t-il pour toi ?
C’est essentiellement un blog. J’y poste de nouveaux travaux et aussi des croquis, ou idées, qui ne pourraient pas figurer dans mon portfolio, et toute autre nouvelle importante. J’ai bossé régulièrement pour Bicycling Magazine pendant un moment, et j’utilisais les croquis refusés en y ajoutant Batman faisant du vélo quelque part, et je les postais pour le fun. C’est crucial d’avoir un endroit où poster des trucs rigolos. On ne peut pas être sérieux tout le temps.
Tes illustrations sont parfois teintées de mélancolie, de méditation sur la solitude et de souffrance. Pourquoi ce choix ?
De 2000 à 2001, j’ai travaillé très dur afin d’être un illustrateur « conceptuel ». Je me suis efforcé à utiliser des métaphores intelligentes pour résoudre des problèmes dans mes illustrations. Des illustrateurs tels que Brad Yeo, Alex Nabaum et Pete Ryan m’ont tous inspiré dans mon travail. Mais je n’ai jamais ressenti que c’était vraiment moi. Je n’aimais pas le processus. Je suis retourné à l’école en 2011 à NYC, et j’ai commencé à faire des trucs perso sans me poser de question, juste produire pour y reprendre du plaisir. Ce qui en a résulté avait beaucoup à voir avec l’anxiété, et la désillusion. Mon fils venait tout juste d’avoir 3 ans et j’avais du mal à être parent ; j’étais aux prises des attentes mises sur moi en tant que père et mari. Donc le travail que je faisais à cette époque traitait beaucoup de ces sujets. J’ai tout mis dans mon portfolio et, très vite, on m’a confié ce genre de travail. Je trouve que c’est beaucoup plus gratifiant, et c’est tout naturellement que j’arrive à me focaliser sur la création d’une émotion, plutôt que sur des calembours visuels. Je respecte énormément ceux qui arrivent à multiplier les métaphores intelligentes encore et encore, ce n’est juste pas pour moi.
Où trouves-tu ton inspiration pour tes créations ?
Je regarde beaucoup l’art médiéval et Byzantin, l’art folk, les peintres expressionnistes abstraits. Je puise mon inspiration dans la musique aussi. J’écoute beaucoup de post rock instrumental radical.
Tu viens tout juste de finir la couverture d’un nouveau livre pour enfant « Tough Guys (Have Feelings Too) ». Comment as-tu vécu cette expérience ?
C’est la couverture de mon premier livre, livre que j’ai écrit et illustré. J’ai donc dû apprendre sur le tas ce qui fait une bonne couverture pour le marché de l’enfance, qui est totalement différent des autres. Je suis passé par beaucoup de variations afin de bien faire les choses, et j’ai travaillé en étroite collaboration avec l’éditeur Flying Eye Books pour trouver la meilleure direction. Cela m’a pris beaucoup plus de temps que je ne le pensais, mais pour les livres d’enfants, avoir une bonne couv est primordial.
Quel est le projet le plus fou sur lequel tu as travaillé ?
Le plus fou auquel je pense n’était pas si fou que ça. J’ai été embauché par une entreprise de design pour créer une image qui allait être utilisée dans une pub. Je ne me souviens même plus pour qui c’était, mais ils voulaient que je dessine un interrupteur. C’était tout. Juste un interrupteur de face en pleine page. Il faut garder à l’esprit que mon travail est très minimaliste, je ne fais pas d’ombres photoréalistes, donc pour moi dessiner un interrupteur revient à faire un carré dans un carré. J’étais perplexe car il me payait $5000 pour le faire, et à l’époque c’était beaucoup d’argent pour moi (et ça l’est toujours !). Ce qui est encore plus bizarre c’est qu’un de leur stagiaire m’a envoyé un « croquis » de ce qu’ils voulaient, et il était bien mieux que ce que je fais. Leur stagiaire, qui n’était probablement pas payé, a fait un meilleur boulot que moi et c’est moi qu’ils aillaient payer $5000. En tout, ce travail m’a pris à peu près 2 heures. Cela m’a chamboulé car je ne comprenais pas pourquoi un client me payait autant pour un dessin comme ça, et j’ai ressenti beaucoup de culpabilité et de honte. Je sais que la pub a de plus grands budgets, et le temps que tu passes sur quelque chose ne veut rien dire. Mais je ne me sentais quand même pas très bien en acceptant ce chèque. Bon, je l’ai quand même encaissé, mais je ne me sentais pas très bien.
Peux-tu nous en dire plus sur tes projets futurs ?
J’ai une expo de planches de skateboard qui ouvre cette semaine dans une galerie à Seattle qui m’enthousiasme beaucoup. Mon livre Tough Guys (Have Feelings Too) paraîtra en octobre, donc je vais surement avoir des évènements programmés autour de ça. Je commence aussi à enseigner le mois prochain au Emily Carr University à Vancouver British Columbia, j’en ai rêvé depuis longtemps. Après ça, je reprends le travail afin de finir mon prochain livre pour enfants qui sortira à la Fête des Pères 2016.
Merci à Keith.
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– L.K –