L.A. Salami, du flow dans le blues
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Est-ce une coïncidence ou l’artiste est-il tombé raide dingue d’une chair rosée et salée le temps d’un séjour en Italie ? Dans ce cas, si nous le transposons dans les habitudes alimentaires américaines (d’où l’acronyme de son pseudo peut se référer), le salami devient « peperonni », aliment rendu célèbre en représentant 30% de la garniture moyenne des pizzas du genre Pizza Hut dopées aux graisses. C’est tout de même un peu plus classe, du moins étymologiquement. Alors pourquoi « L.A. Salami » ? Notons tout de même que dans la tête d’un européen (population non négligeable en terme de cible mélomane), le salami peut être considéré comme vomitif ou sexuellement tendancieux. Je vous l’accorde, cette aparté sexo-charcutière n’a en soit aucun intérêt. Simplement, je vous demanderais de ne pas vous arrêter au nom de ce dernier. Vous raterez tellement de choses.
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Oh, stupeur ! Honte sur moi quand j’en ai appris un peu plus sur l’artiste. Veuillez chasser de votre esprit toutes les réflexions (si nous pouvons les appelé ainsi) entreprises jusqu’ici. L.A. Salami vient tout simplement de son vrai nom Lookman Adekunie Salami. Toutes mes plus plates excuses mon ami ! Mon ignorance a faussé mon jugement, mais ne reste pas moins remplie de bonnes intentions, surtout après l’écoute de son incroyable œuvre. Pour l’histoire, le jeune anglais s’est mis à la guitare joue il y a que quelques années, après qu’il en est reçu une pour ses 21 ans. « Personne ne m’avait acheté un instrument de musique avant, parce que nous n’avions pas les moyens », dit-il, et pourtant 2016 marque la sortie de son premier album.
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« Dancing With Bad Grammar » est un tour de force de blues post-moderne entraînant, poétique et aussi polémique. Le rapport des mots et leurs portées y sont déjoués et utilisés ironiquement pour dénoncer en quelque sorte l’utilisation chaotique de ses derniers et l’évanouissement inévitable de la poésie, sous-entendu la fin d’une époque. C’est en alliant le folk urbain et les répliques lapidaires du hip-hop qu’il essaie de restaurer un bloc artistique commun et universel, à la portée de tous. Il enregistre l’album en une semaine aux Ulchin Studios dans le quartier de Hackney à Londres. « Je voulais faire cet album en live, je ne suis pas trop dans le délire de la musique en ligne », ajoute-t-il. L.A. a travaillé avec l’ingénieur du son Dan Cox et le producteur Matt Ingram qui a travaillé avec Florence and The Machine, Laura Marling et Michael Kiwinuka entre autres. Le premier single, « The City Nowadays », donne le premier aperçu cinglant de sa singularité. Il est tout en cascade énergique d’idées et d’influences ; du flow insistant, qui s’apparenterait au « slam » pour le côté poétique des paroles, avec un son de guitare blues très distinctif et des chœurs gospel immersifs. A la lisière de tout ce magnifique chambardement, nous apercevons également du rock, plus marqué dans les riffs inopinées du premier et excellent morceau « Going Mad As The Street Bins », qui s’apparente pourtant à de la musique folk dès les premières secondes. Toutes ces surprises, ces décalages dans le rythme et ces changements subits de genres font tout le charme de L.A. Salami.
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« Je considère ma musique comme du post-moderne blues. J’ai toujours adoré le blues et je vois cet album comme ma version des chansons blues. » Outre « The City Nowadays », d’autres pistes (voire toutes) s’inscrivent dans cette démarche. Nous retrouvons des pistes exclusivement folk avec par exemple « Days To Days » sur laquelle il joue de l’harmonica, « Why Don’t You Help Me ? » et « I Can’t Slow Her Down » qui frôlent le fantôme de Nick Drake et ses accolytes. « Je souhaite faire le portrait de la vie moderne et utilisant le passé comme véhicule. », conclut L.A. « J’adore la musique des années 60 et 70. C’est à cette musique qu’appartient mon cœur. Mais je ne veux pas qu’il sonne le passé, je veux qu’il fasse résonner le présent. » Amoureusement, je me laisse balloter volontiers dans cette machine à remonter le temps. Qui l’aime me suive.
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