L'aimable goutte de pluie est suivie de mille autres. Ensemble, elles deviennent insolentes, aussi étourdissantes que les mots d'un amant. Leur indélicatesse rappelle le bouchon de champagne qui fuit de son berceau, à grande enjambée, avec résolution. Personne ne peut prédire leur course, pas même le nuage qui les a vues quitter le nid. Les gouttes semblent alors aussi souples que le liège, épaisses et engorgées, pleines d'une nouvelle vie dont on les croyait épargnées. À plusieurs, elles pourraient blesser des crânes et des corps, tant elles ont la carrure de chemins en graviers. Bien qu'on dérape sur elles, bien qu'on glisse, bien qu'on chute, au Pays basque, on ne les regarde plus ici, les gouttes de pluie griffonnent, le ciel s'effondrent si souvent qu'on se demande si l'océan est encore un peu salé.
Seulement, lorsqu'il arrive que la terre soit aussi aride qu'un poignet de grand-mère, on les vouvoie comme des reines, tout près de leur demander leur main. On se présente en bijouterie assoiffés et on les accueille avec la ferveur d'une rivière de diamants. En offrandes, nous nous jetons alors dans l'océan pour les attraper au cou, non pas pour les tordre, ni même pour en faire des colliers, mais bien pour les éteindre, pour les sentir vivantes, pour les savoir plus près. C'est alors qu'en été, avec nos grandes planches, nous en sommes convaincus, nous finissons par glisser sur le dos d'un bossu.