Maxime Beldent, le couteau-suisse artistique
L’art s’est imposé à Maxime comme une vocation ; il ne se voit pas faire autre chose qu’un métier créatif. Le jeune graphiste nantais qui bosse en freelance cherche encore sa patte en s’inspirant de ses homologues et de son quotidien. Humble et posé, il est venu dans nos locaux nous expliquer son envie d’élargir son savoir-faire artistique et sa volonté de participer à des projets excitants…
Salut Maxime. Sur ton site web, tu dis évoluer dans un univers artistique depuis ton enfance. Quelles ont été tes sources d’inspiration pour devenir l’artiste que tu es aujourd’hui ?
J’ai toujours baigné là-dedans. Ma famille a toujours fait des trucs dans l’art. Je crois que j’ai commencé à dessiner quand j’étais gosse mais sans vraiment avoir de sources d’inspiration. Je reproduisais des BD ou des trucs comme ça mais je ne créais pas à partir de quelque chose qui m’aurait inspiré. Les inspirations c’est plutôt maintenant. Je m’intéresse vraiment aux autres artistes, ça fait quelques années que je suis des mecs comme le tatoueur Barbe Rousse ou Léa Nahon, une tatoueuse belge. J’aime bien aussi le Etam Cru, des mecs qui font des graff’ et des sérigraphies. Il y a aussi les Broken Fingaz, des israéliens qui font des choses vraiment cool. Globalement, je m’inspire de tout ce que je vois tous les jours quand je me balade dans la rue, quand je vois des objets que j’aime bien, etc. C’est comme ça que je fonctionne.
Tu viens de nous parler de deux tatoueurs qui t’inspirent. Est-ce que tu penses te lancer toi-même dans l’aventure un jour ?
J’aimerais bien. Ça fait un bout de temps que ça me trotte dans la tête mais je ne me sens pas encore prêt. J’ai besoin de m’améliorer pour être plus sûr de moi et aller voir un mec un jour pour lui demander s’il peut me prendre en apprentissage et savoir si j’ai le niveau pour pouvoir le faire. C’est quand même pas un acte anodin quand tu tatoues quelqu’un… Il garde ça toute sa vie donc je me sentirais vraiment mal de foirer !
C’est toi qui as dessiné tes propres tatouages ?
Non pas du tout. Justement, on parlait de Barbe Rousse, j’en ai un de lui sur le bras qu’il m’a fait lors d’une convention à Nantes il y a un peu plus d’un an. J’en ai un autre d’un mec que j’ai rencontré sur Nantes et deux autres que j’ai fait quand j’étais plus jeune et que je me disais « ça y est j’ai 18 ans, allez vous faire voir, j’me tatoue ». Mais je ne pourrais pas me tatouer un dessin de moi. Quand je dessine, je me force à m’arrêter car avec moi ce n’est jamais vraiment fini. Si je vois un truc sur moi que j’ai fait moi-même je me dirais « c’est pas possible, je dois rajouter ça et ça » du coup je me retatouerais tout le temps et ça finirait par ressembler à une grosse tâche dégueulasse.
Si tu avais dû faire un métier sans aucun rapport avec l’art, ça aurait été quoi ?
C’est dur. Les métiers de bureaucrates et tout ça me soûlerait, c’est sûr. Ça aurait un rapport avec la création. Par exemple, être ébéniste, tout ce qui est travail du bois ça m’aurait plu. Peut-être même paysagiste, bosser les plantes et tout. Être dehors, qu’il flotte, qu’il fasse froid ou beau c’est un truc que j’aurai bien aimé, je pense.
Justement tu as déjà travaillé le bois avec ton projet personnel « La Franche Touche ». Quel lien fais-tu entre art et artisanat ?
Les métiers d’artisanat ont un savoir-faire qu’il faut mettre en application. Je pense que c’est pareil pour l’art. Il y a toujours un côté création qui demande un savoir-faire et un côté manuel. J’aime bien faire les choses avec mes mains. J’essaye de moins me servir de tout ce qui est Photoshop ou Illustrator. J’aime commencer mes trucs par un dessin ou par un objet que je dois travailler et au pire me servir du logiciel après. Je m’amuserais moins si je ne passais pas par une matière ou un dessin.
Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer en freelance ?
Je ne trouvais pas vraiment de taff’ sur Nantes quand je suis arrivé. J’ai commencé à travailler avec Olow en stage et il voulait me garder. Comme j’avais déjà un statut de freelance, je l’ai vraiment exploité en commençant à bosser avec vous. Je pense que je manque peut-être d’une expérience dans une bonne boîte de com’ ou de pub’ qui m’aurait montré vraiment comment c’est quand tu bosses dans une grosse machine avec un portefeuille clients, des grosses deadlines, etc. Chez Olow, c’était super pour le côté créatif mais j’ai peut-être manqué de l’ambiance un peu « guerre » du milieu. L’art et le graphisme sont un peu un monde de requin. Ça doit être intéressant de bosser pour une grosse boîte mais je me sens bien en freelance quand même.
On imagine que ton travail n’est pas routinier. C’est quoi le quotidien d’un artiste indépendant ?
Ça dépend du volume de travail qu’on a. J’ai des mois où je bosse un peu moins, du coup je dois aller démarcher et rencontrer du monde. Ça n’arrive pas tout cru dans la bouche. Il faut avoir le côté commercial et se vendre et je ne sais pas faire tout ça. Globalement, j’essaye de me fixer des horaires de bureau mais taffer chez soi n’est pas forcément la meilleure des solutions. En plus, je vis en coloc’ donc il y a souvent quelqu’un qui arrive ou qui part, je suis toujours un peu perturbé par un truc mais ça le fait.
Tu bosses aussi bien la photo que l’illustration ou la scénographie. Est-ce le fait d’être en freelance qui t’impose d’être polyvalent ou est-ce un choix personnel ?
Ça m’impose de l’être mais c’est un choix. Quand j’ai fait mon BTS à Angers, on m’a appris à toucher à pas mal de choses. On avait accès à un studio photo, on a fait de la 3D, etc. On choisissait ensuite dans quoi on voulait se spécialiser. Ça s’est imposé à moi comme ça car j’ai toujours envie de faire plein de trucs. J’aime essayer des trucs nouveaux. Pour Olow, on voulait faire une texture un peu marbrée par exemple. Ça s’appelle du marbelling ; on met de la peinture à l’huile dans une eau épaissie et ensuite on pose la feuille dessus et ça donne le visuel du catalogue Baie des fumées.
Au milieu de toute cette diversité, comment définirais-tu ton style ? Peut-on trouver une unité ?
Je pense que le plus dur quand on est artiste c’est de trouver sa patte. Je ne sais pas si je l’ai encore, je ne pense pas. Je crois que ça évolue tout le temps. Je me rappelle d’un prof’ qui me disait « il faut être une éponge ; tout ce que tu vois tu l’ingères et ensuite en essorant tu le ressors à ta sauce ». C’est pour ça que je m’inspire de tout ce que je vois et des autres artistes. Je fais des mix mais c’est compliqué de me donner un style.
Crédits photo : Isa Thorelo
Tu as parfois un trait extrêmement fin et précis qui rend tes illustrations à la fois absurdes et hyper réalistes. On pense par exemple à la pomme de pin/ananas/cocktail ou au cactus sur le bâtonnet de glace. Quel est le but que tu recherches avec ces mélanges improbables ?
En fait, ça me fait marrer. Je vais en faire de plus en plus, j’ai d’autres projets. J’aime bien mélanger des trucs improbables. Justement, le cactus c’est censé être une glace donc on kiffe manger ça. C’est un truc hyper doux dans la bouche mais là au final tu bouffes un cactus et ça t’arrache la langue… Associer des objets, ça me fait marrer. Je ne cherche pas de réflexion derrière, je veux que ça fasse sourire.
Et tu les sors d’où ces idées d’associations atypiques ?
De partout. Je suis parti en vacances cet été en Grèce avec un pote et on a fait pas mal de plongée. J’ai vu beaucoup de poissons ; il y en avait un hyper long avec une grande trompe et ça m’a fait marrer. Et ensuite en auberge de jeunesse, un mec a sorti une clarinette et a commencé à jouer. Il jouait hyper bien. En voyant sa clarinette je me suis dit que ça ressemblait au nez du poisson. Dans mon carnet où je note toutes mes idées, j’ai écrit « poisson + clarinette » et c’est devenu un projet de création.
Tu as fortement contribué à l’univers graphique d’OLOW que ce soit par la création de nos catalogues ou par tes illustrations sur nos tee-shirts. Qu’est-ce qui te plaît dans la marque nantaise ?
J’aime bien tout cet univers autour de l’art et le fait que Mathieu et Valentin bossent avec plein d’artistes différents, et même des gens qu’on ne connaît pas. En bossant pour eux, j’ai découvert pas mal d’artistes. Par exemple, j’adorais déjà tout ce que SupaKitch faisait et j’ai pu les rencontrer grâce à la collab’ d’Olow avec Jeykill lors de la soirée de lancement. J’étais dans cet univers là et je voyais tous ces mecs que je suivais déjà depuis 3 ou 4 ans. Tout ce côté création et polyvalence chez Olow me plaît. Je peux autant faire de l’illustration, de la mise en page, des shootings photos. Du coup, on devient un couteau-suisse.
On voudrait revenir sur notre collab’ pour le manteau REFUR. Le mot « heimskautarefur » qu’on peut lire sur l’étiquette de la doublure que tu as réalisé fait référence à ce petit renard polaire que tu as dessiné et qui vit essentiellement dans le grand Nord. Cet animal est le seul mammifère originaire d’Islande et il a notamment été élevé pour sa fourrure durant les années 1920/1930. D’où t’est venue l’idée de lui rendre ce petit hommage ?
On cherchait des thèmes en rapport avec l’Islande et ce renard polaire ressortait tout le temps. J’aime bien ce genre de petites bêtes, j’ai un chien qui me fait penser à ce genre de trucs avec des grandes oreilles. Au final, c’est toujours pareil : c’est un truc que je vois qui me fait marrer. Ça n’a rien à voir avec mes autres dessins car il fallait créer un espèce de décor. On voit le renard dans les montagnes et comme c’est aussi sur le thème du voyage j’ai rajouté des parties de cartes. C’est un condensé de la collection cette étiquette. Les compositions sont le genre de trucs que je ne fais pas souvent. J’aimerais bien en faire plus mais je ne suis pas encore assez bon. J’y travaille.
Est-ce que tu comptes exposer tes créations bientôt ?
Peut-être. Je trouve que c’est un peu trop une mise en avant genre « je veux faire une expo de mes créations ». Je monte un truc sur Nantes avec des potes mais c’est encore à l’état de projet. En gros, il va y avoir un lieu sur l’Île de Nantes où on bossera avec des amis qui montent une agence. Dans ce hangar, on voudrait faire en parallèle un lieu dédié à l’expo, aux résidences d’artistes, aux événements et aux conférences. Je gérerais certainement ce lieu-là et avec cet endroit à disposition peut-être que si j’ai assez de matières ou que je me sens prêt je pourrais exposer. Mais tout est encore à l’état de projet. C’est en bonne voie.
Merci à Maxime pour ses réponses.
Retrouvez ses créations sur son site web.
Maxime a dessiné plusieurs illustrations pour les tee-shirts de la collection Baie des fumées. Retrouvez-les dans nos points de vente et sur notre e-shop :
Marion.
