Nouvelles baskets Olow x Sawa

9 MN

Olow x Sawa

rencontre avec Mehdi Slimani, fondateur de la marque made in africa.

semelle basket olow x sawa

L’aventure Sawa est une histoire humaine et économiquement militante qui fait le pari de naviguer à contre-courant du flux Nord / Sud : Les matières premières sont achetées en Afrique et sont transformées… en Afrique. Ce choix vient de l’envie de créer sur place des emplois qualifiés productifs et créatifs, mais aussi de promouvoir l’image de ce qu’est l’Afrique, bien au-delà du prisme occidental.

On a rencontré Mehdi Slimani, le fondateur de la marque, par l’intermédiaire de Thomas Traoré d’ Isakin. On partage les mêmes valeurs, et chacun à notre façon, on a cette même volonté de proposer des produits, chaussures ou vêtements, qui ont du sens. C’était important pour nous, au-delà de présenter le fruit de notre collaboration, de mettre la lumière sur un projet qui nous tient à coeur.

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Moi c’est Mehdi Slimani, fondateur de la marque de baskets made in Africa, Sawa. Je suis originaire des Ardennes, de Charleville Mézière, la ville d’Arthur Rimbaud, qui d’ailleurs avait une vraie histoire avec l’Ethiopie, où il était marchand. Un autre Ardennais qui est allé se perdre là-bas !

Je suis arrivé à Paris en 98, après j’ai vécu en Chine et au Brésil, par rapport au boulot que j’avais avant. À la base je n’ai pas un parcours très mode, je travaillais dans la finance d’entreprise, lié à l’industrie automobile. Et ensuite je suis allé au Cameroun puis en Éthiopie, et je suis revenu à Paris.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, ça veut dire quoi SAWA ?

C’est le nom d’une tribu autochtone du littoral de Douala. C’est une ville qui est située au Cameroun, là où on a commencé.
C’est une manière de leur rendre hommage. On a appris plus tard que ça voulait dire "ensemble" en arabe.

Tu pourrais nous expliquer quel est le concept de ta marque ?

Sawa, a été créé en 2009. Le concept, c’est de fabriquer des chaussures en Afrique Subsaharienne. C’est-à-dire, acheter la matière et la transformer sur place. Parce qu'aujourd'hui, le problème c’est que ce continent n’a pas encore fait sa révolution industrielle. Peu de choses sont véritablement produites. En prenant l’année écoulée, faites le test et demandez vous quels sont les produits manufacturés que vous avez achetés. A l’époque, on s’est dit qu’on ne voulait ni aller au Maghreb, ni aller en Afrique du Sud, mais vraiment au cœur du continent, pour prouver qu’on pouvait fabriquer des chaussures sur place. Au final, ce n’est pas spécialement un projet de mode, mais plus d’économie. Je ne dis jamais que je fais de la mode, mais des chaussures qui ont un sens.

C’est de ce constat là que tu es parti pour fonder SAWA ? Ou y avait-il une autre volonté derrière ?

C’est surtout ça, et l’envie de faire des chaussures. J’ai toujours aimé ça. On voulait faire quelque chose là-dessus, mais avec un vrai point de vue, un storytelling qui tienne la route, et encore une fois, qui ait du sens. On n’arrive pas en se disant qu’on va sauver l’Afrique, on ne sauve rien du tout.

" Ce qu’on veut, c’est montrer l’image d’une Afrique forte. Sawa, ça tourne autour de ça, c’est un projet de militant, prouver qu’on peut y produire quelque chose. "

Tu disais précédemment que tu n’étais pas du tout du milieu de la mode, mais est-ce que tu as un point de vue sur la mode africaine, et plus largement sur le Made in Africa ?

Je ne suis pas assez spécialiste de la mode africaine. Le Made in Africa, il existe, il y a des tentatives, mais il n’y a aucune marque qui pèse vraiment aujourd’hui. D’ailleurs, je me rappelle qu’il y a quelques années, les Galeries Lafayette avaient organisé la quinzaine africaine, mais sans marques fabriquées en Afrique… Comment peut-on organiser un événement tourné sur l’Afrique, sans marques fabriquées sur place ? Au final, ce sont des marques d’inspirations africaines, mais rien n’est fait là-bas, ou bien au Maroc, avec des shootings en Afrique Subsaharienne. On est effectivement sur le même continent, mais ce n’est pas pareil.

Tu disais tout à l’heure que vous aviez commencé au Cameroun, pourquoi ce choix ?

Quand on a commencé en 2009, c’était la mode des chaussures en toile. Il y avait plein de marques qui produisaient ça. Et au Cameroun, il y avait un gros fournisseur de chaussures en toile, avec un vrai savoir-faire. Avec du recul, c’était un peu une erreur de casting. La partie industrielle était vétuste, très vieillissante, on a dû récupérer des gens ici et là pour les former… En parallèle, il y avait de vrais problèmes de corruption. Et finalement, il y a eu le printemps Arabe, qui nous a beaucoup impacté, parce qu’on n’arrivait plus à trouver de matières premières. Enfin bref, on n’y garde pas que des bons souvenirs, il nous fallait un endroit où tout était disponible sur place.

Pourquoi ce choix de l’éthiopie ?

On voulait rester dans cette partie de l’Afrique. J’avais une amie éthiopienne, dont le père était originaire des Ardennes, comme moi et Rimbaud, qui y vivait depuis une cinquantaine d’années, qui m’a conseillé de l’y retrouver. J’y suis allé et j’ai pu voir qu’on pouvait y faire des choses supers, avec 95% de matières des chaussures disponibles sur place, voilà comment on a tout recommencé en Éthiopie. C’était un choix gagnant puisqu’on y a gagné en organisation, en efficacité, en tout en fait…

" J’avais une amie éthiopienne, dont le père était originaire des Ardennes, comme moi... J’y suis allé et j’ai pu voir qu’on pouvait y faire des choses supers, avec 95% de matières des chaussures disponibles sur place. "

Tu peux nous raconter un peu comment ça s’est passé sur place ?

C’était un peu plus organisé qu’au Cameroun. Il y a de vraies usines de chaussures. Même si on était un peu loin du compte, on a dû par exemple faire un gros travail de formation, j’ai dû d’ailleurs passer un an à l’usine pour concevoir ce qu’on vend aujourd’hui. C’était beaucoup d’investissement personnel. Après, en terme d’intégration, je travaillais avec les ouvriers, j’ai vécu avec eux, on a construit une équipe.

Aujourd’hui Sawa c’est une famille. Je n’y vis plus à l’année, j’y allais très souvent, mais aujourd’hui j’y vais moins, justement parce qu’on a cette équipe. C’est d’ailleurs le seul investissement qu’on ait vraiment fait, et faire en sorte que les gens soient bien, viennent travailler avec beaucoup de bonheur, sans se dire que ça va être pénible. On est en Éthiopie depuis 2011, et personne n’a démissionné, on travaille toujours avec les mêmes personnes et tout le monde est content de travailler.

Le contexte de ces deux dernières années était un peu particulier, tu peux nous en parler ?

Déjà, il y a eu le Covid, donc l’impossibilité pour nous d’aller sur place. Mais ça n’a pas eu beaucoup d’impact finalement, parce que, comme je le disais, on a une équipe solide, sur laquelle on peut compter, qui connaît très bien le produit depuis 2011. Donc les chaussures ont continué à être produites, la qualité a été assurée.

Mais en plus du Covid, il y a eu la guerre du Tigré dans le nord du pays. Là où ça nous a impacté, c’est qu’à un moment l’usine a été réquisitionnée pour produire des rangers. En dehors de ça, de là où on est implantés, Addis Abeda, on n’a pas été si impactés. La marque vit aussi en fonction de la géopolitique africaine et des problématiques de sourcing. Par exemple, quand on te dit pendant deux mois qu’il n’y a pas de production « parce qu’on produit des rangers pour l’armée ». Quand on te dit « là il n’y a plus de cuir » parce que la tannerie n’arrive pas à importer les matières ou les colorants pour faire tel ou tel cuir. Finalement, tu n’es jamais en vitesse de croisière.

" Par exemple, quand on te dit pendant deux mois qu’il n’y a pas de production « parce qu’on produit des rangers pour l’armée ». Quand on te dit « là il n’y a plus de cuir » parce que la tannerie n’arrive pas à importer les matières ou les colorants pour faire tel ou tel cuir. "

Les chaussures SAWA ont un design assez vintage, d’où vient cette esthétique ?

En Afrique il y a un concept qui s’appelle “Design for Industry”. C’est-à-dire que si tu vas dans une usine là-bas avec un produit trop compliqué, ça va aussi être compliqué de l’industrialiser. C’est pour ça qu’on a commencé par un produit très simple. En gros, c’est designer en fonction de ce que tu sais produire. Par exemple, le modèle Konjo de la collab, c’est un modèle qui a très peu d’empiècement. Il y a une inspiration africaine dans la semelle avec une texture inspirée de la vannerie locale. En plus de ça, et ce sur tous nos modèles, on trouve la carte de l’Afrique sous la semelle.

Vos chaussures sont vendues sur place ?

Oui, on a une petite part de la production qui est vendue sur place. J’adorerais développer ça, produire et commercialiser en Afrique, mais je crois que c’est l’Afrique elle-même qui n’est pas prête. Si tu mets nos chaussures qui sont de super qualité à côté d’une Nike de contrefaçon, que ce soit en Algérie, en Côte d’Ivoire ou au Cameroun, tout le monde va acheter la chaussure de contrefaçon. C’est une question de notoriété. Quand on sera connu en dehors de l’Afrique, les marchés africains nous réclameront sûrement.

" Tout le monde va acheter la chaussure de contrefaçon. C’est une question de notoriété. Quand on sera connu en dehors de l’Afrique, les marchés africains nous réclameront sûrement. "

D’ailleurs, est-ce que le modèle économique que vous avez créé entre le Cameroun au départ, et l’Éthiopie aujourd’hui, c’est quelque chose que vous voudriez développer ?

Pour la production on va vraiment rester dans un seul pays, parce que c’est très compliqué. Refaire ce qu’on a fait en Éthiopie, il faudrait une autre vie. Il y a des étapes que tu ne veux pas recommencer. Et moi, l’éternel recommencement, je ne veux pas de ça. Là maintenant qu’on est stabilisé en Éthiopie, je ne conçois même pas d’aller dans un autre pays d’Afrique, d’ailleurs je ne saurais pas lequel. Pour moi, l’Éthiopie c’est le meilleur des choix.

À propos de la collaboration avec OLOW, est-ce que tu peux nous rappeler comment ça s’est passé ?

J’ai rencontré Mathieu par l’intermédiaire de Thomas Traoré, d’Isakin. On s’échangeait des sapes contre des pompes. Au final, on fait la même chose, de chaque côté de la Méditerranée. On est des petits artisans, qui font des trucs à petite échelle, mais qui ont du sens. On a des parcours un peu communs en fait. À un moment, il y a deux ou trois ans, on s’est dit qu’on allait faire une collab, mais ça a un peu trainé parce qu’on est un peu “deux de tension”. Mathieu avait fait une proposition, on en avait fait un échantillon. C’est resté en stand by pendant un temps, et puis il y a quelques semaines, je lui ai dit que la chaussure était prête, mais je crois que lui ne l’était pas. Après, on est organisés comme ça, on n’a peut être pas la précision d’une montre Suisse, mais on fait vraiment les choses qu’on aime, sinon on ne le fait pas.

" On est des petits artisans, qui font des trucs à petite échelle, mais qui ont du sens. On a des parcours un peu communs en fait. "

Finalement, ça serait quoi les perspectives pour la suite ?

Je ne fais pas de plans sur la comète, on vit au jour le jour, en fonction des opportunités. Parce qu’à chaque fois qu’on l’a fait, ç’a été un pétard mouillé. Ce n’est peut être pas très professionnel de dire ça, mais c’est notre réalité. On navigue au jour le jour, parce qu’on n’est pas dans un environnement stable, tout peut basculer du jour au lendemain. Je ne me dis pas « dans 5 ans je serai là et là », on verra. Il faudra refaire l’interview à ce moment-là.

" On navigue au jour le jour, parce qu’on n’est pas dans un environnement stable,
tout peut basculer du jour au lendemain. "

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