Sur la route avec La Guish
Échange avec Guillaume allaire, tatoueur / illustrateur
Dans le cadre notre collection Postcards, nous avons invité notre ami l’artiste La Guish à présenter en boutique ses dernières créations sur ses thèmes de prédilection : le voyage et l’évasion.
L'artiste, avec qui on a signé notre première collab il y a un an, est un passionné de dessin (et de surf) depuis sa plus tendre enfance. Issu d’une formation dans le graphisme, cela fait maintenant plus de 5 ans qu’il s’est lancé dans le tatouage. Que ce soit sur le papier ou sur la peau, ses traits larges et faussement simples illustrent son amour pour les palmiers, la Californie et la nostalgie des vacances.
On dit que les bretons sont voyageurs. Lui ne déroge pas à la règle puisqu’il a pas mal roulé sa bosse entre le sud-ouest, la Californie, Paris et sa Bretagne natale. C’est d’ailleurs sur un trajet Paris-Rennes qu’on a pris le temps d’échanger sur son travail, son rapport au voyage, aux souvenirs. Une heure sur son temps de route, passé en un claquement de doigts.
En guise de préambule, tu peux nous expliquer d'où te vient ce nom, "La Guish" ?
Je n’ai pas d’explication vraiment concrète. C’est un de mes meilleur pote qui m’a un jour appelé comme ça. A l'époque, il m’appelait simplement Guish, le pronom est venu après, quand il disait “voilà la Guish !” quand il me présentait. C’est resté depuis, à tel point qu’on me connaît plus sous ce nom que par mon prénom.
Au final, je ne sais pas si c’est conscient ou pas, mais de base, je suis quelqu’un d’assez timide. Et ce genre de petit surnom, ça crée une sorte d’alter ego, ça m’a pas mal aidé à prendre confiance et à être plus facilement sociable avec les gens.
On retrouve principalement des scènes de paysages et d’architecture dans tes différents projets, d’où ça te vient ? Quel lien tu entretiens avec la nature et le voyage ?
Quand j’étais en étude d’art, on nous bridait beaucoup en nous disant qu’il fallait faire en fonction des tendances. Quand j’ai travaillé à trouver mon propre style, je me suis cassé de tout ça. J’ai coupé mon insta, pris une feuille blanche et réfléchi à ce que je voulais dessiner. A l’époque je faisais beaucoup de photos, et je me suis dis que j’adorais ça, j’adorais les paysages, voyager… Donc pourquoi ne pas dessiner des paysages finalement ? Je suis parti de là, j’y ai ajouté des ambiances un peu plage, un peu Californie et de ma culture surf.
Pour ce qui est de mon rapport aux voyages, je pars du principe qu’il n’y a pas besoin de faire 15h d’avion pour voyager. En 2h de voiture, on change déjà de décor. Surtout en Bretagne, d’où je viens, on est souvent amenés à prendre le volant pour rouler quelques heures et tomber sur des paysages magnifiques. Via le surf aussi, j’ai pas mal bourlingué. J’ai toujours vu des endroits différents. Il y a un truc dans la nature qui me fait tellement de bien, j’ai besoin de la voir, ça m’inspire tout de suite.
Comment en es-tu venu à travailler à la fois sur le papier, la toile, le mur, le vêtement et même la peau ? Quel a été ton parcours artistique ?
On va remonter assez loin, puisque je dessine depuis que je suis tout petit. J’ai toujours baigné dans cet univers-là, avec une mère et mes deux grand-pères qui peignaient beaucoup. Ça se sent dans mon travail, mais à l’origine je voulais faire architecte. Il y avait un des meilleurs potes de mon père qui l’était, et je fantasmais un peu son mode de vie. Mais finalement, j’ai décidé de partir sur une formation de design graphique pour pouvoir vraiment dessiner.
Suite à ça, je suis parti vivre dans le sud ouest pendant un an. J’ai une autre passion dans la vie, le surf, et sur place je me suis dis que j’allais en profiter pour bosser pour des marques de fringues. Ç’a été super, mais je n’ai pas retrouvé de boulot derrière, je suis donc retourné sur Rennes, ou pendant quasiment un an, j’ai un peu tout abandonné. J’ai fait complètement autre chose, notamment des taffs dans la restauration, mon père travaillait là dedans. On a monté une pizzeria ensemble, 2 ans avant que je ne me mette au tatouage.
"Au retour de Los Angeles, je me suis mis pendant 3 mois dans ma bulle pour trouver mon style et me former moi-même."
A l’époque, mon meilleur pote, Alex Colson (@alex_colson), anciennement Bellesetbuth, s’était mis au tatouage. Ça m’a fait tilt parce que je voyais qu’il s’épanouissait vachement là-dedans et qu’il ne faisait que du dessin. Il m’a fait tester plusieurs fois sur lui. En voyant que ça cicatrisait bien, ça m’a conforté dans le sens où je pouvais utiliser ce médium-là. La vraie révélation, ça a été en 2017, je suis parti avec lui et toute l’équipe de l’encrerie (@lencrerie) pour un voyage à Los Angeles. Au retour, je me suis mis pendant 3 mois dans ma bulle pour trouver mon style et me former moi-même. J’ai activé mon réseau sur Rennes et ça s’est fait comme ça, un peu au fur et à mesure. À partir de 2018 mon agenda a commencé à bien se remplir, j’ai intégré la team de l’encrerie et je n’ai fait que tatouer beaucoup de monde depuis.
Tu as un style graphique très reconnaissable, qui allie à la fois simplicité, traits larges et monochromes noirs. D'où est-ce que ça te vient ?
J’ai toujours aimé les styles un peu “ignorants”, avec peu de traits graphiques, plus de traits noirs, pas trop de dégradés ni d'éléments “perturbateurs” autour du dessin. Je voulais quelque chose de simple. La question que je me suis donc posée, c’est comment retranscrire une image que je vois en un minimum de lignes. J’ai même dessiné de la main gauche pour re-casser mon trait et lui donner un côté très relâché. Au fil du temps, j’ai continué d’évoluer. Je suis toujours resté dans ce que je faisais de base, des paysages et tout ce qui peut évoquer le souvenir et les vacances, mais c’est devenu plus lisse. C’est surement mon côté architecte refoulé, additionné à ma formation de graphiste, mais j’essaie toujours que ce soit le plus droit possible, de structurer les choses.
Quelle est ta manière de travailler ?
Que ce soit pour le tatouage ou le reste, je pars de photos pour les projets perso. En gros, les gens m’envoient un panel de photos de souvenirs de vacances ou autre, et moi après je choisis celle qui m’inspire le plus en termes de composition. Je prends les grandes lignes des volumes et après je fais mon mic-mac. Sur Paris j’ai eu beaucoup de personnes qui avaient de la famille en Bretagne ou sur la côte et qui m’ont envoyé des photos de là-bas pour se les faire tatouer. Un peu comme un souvenir de leurs origines, ou en tout cas d’endroits où elles ont des attaches.
Pour le reste, ça vient principalement de mon imagination. Parfois je regarde un paysage et je compose à partir de ça, j' ajoute ou retire des éléments du décor.
Peux-tu nous citer des noms d’artistes et/ou de projets artistiques qui ont potentiellement eu une influence sur ton travail ?
Je suis un peu un enfant… Je n’ai pas vraiment d’inspiration, dans le sens où je n’ai pas envie de me brider. Il y a plein de tatoueurs ou d'illustrateurs dont j’apprécie beaucoup le travail, mais je ne vais pas vraiment m’en servir d’inspiration. En fait, je déteste voir des trucs qui ont déjà été fait avant. L’inspiration, je la prends surtout sur des comptes de photographies sur instagram. Il y a Jake Inez (@jakeinez) par exemple, un photographe de LA qui fait beaucoup de paysage, et un autre compte instagram qui regroupe beaucoup de photographes Nature Filmed (@naturefilmed). Ce sont principalement des paysages américains. J’avoue que je suis un grand fan des paysages américains et canadiens. Les grandes étendues, ça me parle.
En dehors de ça, quand j’étais à Biarritz, j’ai fait pas mal de rencontres qui m’ont inspirées, pas tant dans le style graphique que dans la manière de travailler. Supakitch par exemple, avec qui vous avez déjà travaillé. Il a commencé comme grapheur, puis tatoueur, maintenant il vit de son art, et c’est vrai que c’est un peu un idéal pour moi.
Que peux-tu nous dire sur le compte "@la_gouashe" que tu as ouvert en 2022 ?
Je commence à pas mal développer la couleur, c’est intéressant, ça me permet d’évoluer. Ça fait 5 ans que je suis tatoueur et que je dessine souvent les mêmes choses. Même si j’évolue dans mon trait et dans le noir, ça reste limité. Je voulais tester d’autres choses, revenir un peu à la peinture et au crayon, un peu comme à la période où j’étais en étude et où je touchais à plein de médiums. @la_gouashe me permet finalement un peu plus de liberté, j’y publie plein de trucs différents, comme un portfolio.
"quand j’étais à Biarritz, j’ai fait pas mal de rencontres qui m’ont inspirées, pas tant dans le style graphique que dans la manière de travailler"
Le thème de la collection actuelle est : “Postcards”, ça évoque quoi pour toi ?
C’est clairement un thème pour moi ça ! (rires) J’aime beaucoup ce rapport qu’on avait avant, un peu perdu aujourd’hui, aux cartes postales. C’est un peu comme un catalogue de lieux où tu as voyagé, ou de là où tes ami.e.s sont allé.e.s. Chez moi, mes parents adoraient accrocher les cartes qu’on recevait dans un coin ou en faire un cadre. C’est un micro-format qui fait tout de suite voyager en fait. Il y a l’image, toujours un peu kitsch, des lieux les plus typiques de l’endroit où tu es, ça met directement dans l’ambiance, en un ou deux clichés. Et ce côté matériel, c’est palpable, on la retourne, il y a l’écriture de l’expéditeur. Ça crée un lien fort entre la personne qui envoie et celle qui reçoit, c’est pas juste un texto avec une typo classique que tout le monde a. Au final, c’est ça, ça m’évoque vraiment le lien entre les gens.
Tu as beaucoup vécu dans le sud ouest, puis à Rennes, et enfin Paris, est-ce que tu peux nous en dire plus sur tes “transits”, qu’est ce qui t’a fait bouger autant ? Est-ce qu’il y a eu une ville qui a été particulièrement intéressante dans ton développement artistique ?
Mes déplacements ont souvent été dûs au boulot, notamment pour Paris. Je suis un pur Breton, j’adore ma région, je suis même très chauvin par rapport à ça. Entre nous, on a la meilleure région du monde, on va arrêter de faire comme si ça n’était pas le cas ! Et alors que je m’étais toujours dit que je n’irais jamais sur la capitale, j’y suis allé, pour le tatouage. C’était plus facile pour bosser, et au final, heureusement que je l’ai fait, parce que ça m’a apporté une notoriété et une clientèle que je n’aurais jamais eue sinon. Ensuite, je suis retourné sur Rennes parce que j’en avais marre. On est retourné à Paris dernièrement avec ma femme, mais plus pour des motifs personnels, pour en fait revenir sur Rennes. A termes, on aimerait bien partir au Québec. C’est d’ailleurs un projet que j’avais avant le covid, mais qu’on a laissé de côté à cause de la pandémie.
En définitive, on est plus dans la recherche de bien-être, d’un endroit où on se sent bien, où on est épanoui dans le boulot et dans la vie perso. C’est ma philosophie de vie. Comme je disais, je suis un gars qui adore la nature, j’en ai besoin. Là sur Rennes, je marche 2mn et je suis dans un parc avec mes chiens. Sur Paris, ça prend 20mn à se faire trainer pour arriver dans un parc qui fait 20m2.
Pour la ville, il y aurait Biarritz. Il y a les vagues et la ville, il y fait bon vivre. Sinon c’est vraiment San Diego en Californie, c’est une des villes que j’ai le plus adoré sur terre. Je pourrais y vivre je pense, à voir dans quelles circonstances. Je n’ai qu’une hâte, c’est d’y retourner. On y emmènera la petite quand elle aura un an ou deux. C’est peut être pour ça que j’adore Biarritz finalement, c’est proche mais ça rappelle ce style de vie.
"on est plus dans la recherche de bien-être, d’un endroit où on se sent bien, où on est épanoui dans le boulot et dans la vie perso. C’est ma philosophie de vie."
Si on veut se faire tatouer par toi ou t’acheter un print où est-ce qu’on te retrouve ?
J’ai un Big Cartel, mais je ne le mets à jour que quand j’ai de nouvelles choses. Je suis super content de faire une expo, je préfère ce fonctionnement. Les œuvres sont là, et si les gens veulent en acheter, je peux les leur donner en main propre. Dans un futur proche, j’aimerais bien me faire un vrai site internet, sur lequel on pourrait aussi commander des prints. A l’heure actuelle, le mieux pour passer commande, c’est directement de me contacter par mail.
Pour ce qui est du tatouage, mon pote Alex a ouvert son salon il y a 2 ans à Rennes, Carbonne 14 (@carbone.quatorze), j’y suis résident. Sinon je fais du guest un peu partout.
Est-ce qu’il y a un souvenir de tatouage qui t’a particulièrement marqué ?
J’aime bien parfois dessiner des animaux, ça sort de l’architecture et des paysages. Et un projet qui m’a marqué, que j’étais fier de faire, c’était un premier tatouage. Il y a un mec qui est venu avec zéro tatouage, je lui ai fait les deux bras, un avec des animaux marins, l’autre avec des animaux terrestres. C’est quand même fou de se dire qu’il y a quelqu’un sur terre qui a entre 40 et 45 tatouages de moi sur lui. J’en suis vraiment fier. Donc sur un souvenir un peu général, ce serait vraiment les premiers tatouages en fait. Il y a quelque chose d’assez gratifiant à ça, d’être la personne avec qui on peut passer le cap de se faire tatouer.
Quels sont tes projets à venir ?
Déjà, avoir mon premier enfant, ça va me prendre pas mal de temps, c’est plus qu'imminent d’ailleurs, ça va être génial. Sinon ça faisait longtemps que je voulais faire une expo. Le tatouage me prend beaucoup de temps, que ce soit dans la gestion des mails et des dessins, ce qui me laisse peu de temps pour créer. J’attendais ce moment de congé avec notre fille, pour couper court au tatouage sur ce laps de temps et me focaliser de nouveau sur la peinture et le crayon.
Sur le long terme, et vu qu’on revient sur Rennes et que j’ai de moins en moins envie d’aller à Paris, j’ai vraiment envie de développer des revenus et une activité dans la peinture et l’illustration au crayon de couleur.
"j’ai vraiment envie de développer des revenus et une activité dans la peinture et l’illustration au crayon de couleur. "
En parallèle, j’ai eu l’occasion de faire deux fresques chez des particuliers, et c’est quelque chose que j’aimerais bien pousser un peu. En voyant le travail de Madi, qui en fait beaucoup, ça m’a vraiment donné envie d’aller vers ça aussi. J’ai aussi un projet qui n’a rien à voir et qui n’est vraiment pas pour tout de suite, ce serait de remonter une pizzeria.
Souvent la musique est un élément central dans l’inspiration et la créativité de certains artistes. C’est quoi la musique que tu mets quand tu travailles ?
De base, j’écoute beaucoup de rap et de RnB, que ce soit français ou américain. C’est un peu ma base d’écoute quotidienne, même si vraiment j’écoute de tout. J’aime bien mettre ça quand je travaille. Mais quand j’ai besoin d’être posé et de me concentrer, j’écoute plus du jazz ou des choses plus planantes. En ce moment, il y a un artiste que j’adore écouter, c’est Hiroshi Yoshimura. Son album Green, ça me met vraiment dans une bulle.
"Postcards" une exposition de La Guish
Dans le cadre de notre collection Postcards, nous avons invité notre ami l’artiste La Guish à présenter ses dernières créations sur ses thèmes de prédilection : le voyage et l’évasion. Au programme, des cartes postales personnalisées, dessinées par l'artiste en live et un service postal OLOW
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