Rhum for Pauline, du rhum pour un soleil éméché
Quand la France pose son pied dans le contexte opulent du monde, le béret et la baguette reste dans toutes les mémoires. Pour les personnes de bon gout, la marinière de notre JP national arrive en second plan. Qu’importe, notre capitale est tout de même LE musée à ciel ouvert, fleuron mondial et malpoli chapoté par Madame Eiffel. En musique, pas besoin de se voiler la face non plus : la chanson à texte est l’inépuisable genre que le monde nous envie. Gainsbourg, Brel, Nougaro et bien d’autres sont les piliers d’une ère maintenant passé et qu’on s’épuise à retransmettre sur les chaînes FM. Mais bien au-delà de la tambouille commerciale qui arrive malheureusement à traverser les frontières – et qui pullulent sur tous les territoires –, de bien jolis grains de sable s’activent tous les jours à construire le château bien fragile d’une époque bruyante et provocante. Rhum For Pauline est l’un d’eux, brillant au soleil jusqu’à la prochaine rafale. Mais ne parlons pas de malheur, ce n’est pas le but.
« Le nom ‘Rhum for Pauline’ vient d’une blague potache. Au commencement nous étions un duo: Pol et Romain. C’est en mélangeant les lettres de nos deux prénoms qu’est venu ‘Polinarom’. En l’anglicisant, ça donnait ce combo alliant un alcool avec un prénom de fille. Il fut parfois question de le changer, mais je crois qu’on s’y est attaché avec le temps. », explique le groupe. Et on s’attache réciproquement à eux – dans l’espoir de voir un jour cette fameuse Pauline accoudé au bar d’une paillote, sirotant ce célèbre alcool que tous les mojitos s’arrachent.
Rhum for Pauline est la rencontre de quatre nantais issue de la génération Y, des relations fusionnelles et de l’insouciance adolescente. Remarqué en 2010 avec un premier album « Miami », l’ambiance très colorée et joviale de la « West Coast » – qui symbolise ici l’adolescence – est reprise ici sur ce deuxième opus « Leaving Florida » avec un gout un peu plus amer : « Le premier EP que nous avons sorti en 2010 s’appelle Miami. Aucun de nous n’y est allé, c’était une sorte de représentation fantasmée d’un paysage ensoleillé, lumineux – qui collait avec l’esthétique soul ou rock assez 70’s de notre musique. La Floride dont il est question sur ‘Leaving Florida’, c’est celle de ce premier disque sorti il y a 5 ans. C’est de cette innocence dont nous sommes nostalgiques en quelque sorte. De l’époque où nous avions 20 ans et où nous écrivions des chansons spontanément, sans trop se poser de question. Cet album porte un regard sur les années qui se sont écoulées entre temps, de ce passage de l’adolescence à l’âge adulte – ce que nous sommes devenus. »
Beaucoup de couleurs pour beaucoup d’influences : la funk avec « When Endless Ends », le garage avec « Florida » ou encore la new wave avec « No Hugs ». Tout est parsemé de l’histoire des quatre rejetons, des faces B poussiéreuses des années 60 et du classicisme pop dont beaucoup de groupes ont repris le flambeau. « C’est une des raisons pour lesquelles la gestation de ‘Leaving Florida’ fut longue: c’était le temps nécessaire pour définir les contours de notre propre identité – de ne plus être uniquement dans la citation. Cela nous permit aussi d’affirmer certains pans de notre écriture – comme l’amour des chansons à tiroirs, des formats étirés, avec toujours avec cette esthétique pop en filigrane. » Une grande partie de leur travail fut de trouver un place à part entière dans une architecture sonore, pour ainsi retranscrire leur amour des musiques noires (la soul, l’afro-beat, le R’n’B) sans virer dans le mimétisme. Le vécu a fait le reste, avec les souvenirs gardés et la fougue de jeunes passionnés, faisant contre poids avec la difficulté de grandir, d’être soi-même, d’être quelqu’un de bien, heureux et bien dans ses baskets. Avec le dernier titre « Peter Pan », l’album se termine sur ces paroles « You can grow old / and fear no evil », essayant de tirerun trait un syndrome dont aucun trentenaire n’a réussi à se défaire.
Retrouvez l’actualité de Rhum For Pauline sur leur page Facebook.
Texte et propos recueillis par © Julien Catala