Sénégal : du chaos à la poésie
Les fous rires et les situations rocambolesques, voilà ce que je retiendrais d’abord du Sénégal. 2 semaines de road-trip avec mon adorable et dingue petite amie, de Dakar, aux iles du Sine Saloum, en passant par Saint-Louis et le parc de Djoudj à la frontière de la Mauritanie… Bien sûr il y a ces levés du jour magiques sur les baobabs, ces ballades silencieuses au seul bruit de l’eau sur la mangrove, ces déambulations respectueuses et joyeuses avec nos yeux d’enfants trentenaires contemplant cette faune sauvage composée de milliers de pélicans, de singes, de hyènes, de phacochères, de zébus, de crocodiles, de varans et j’en passe…Mais le dépaysement est ailleurs, réellement.
Dans ce pays à la gueule cassée, jonché de milliers d’ordures, de bâtiments délabrés, et d’une pauvreté désarmante; règne quelque chose de profondément onirique, presque surréaliste. Rien ne peut vraiment être décidé à l’avance, programmé. Le temps n’a résolument pas la même importance. Il passe au rythme du soleil, et l’attente fait partie du jeu. Comme disait un vieux sénégalais rencontré à Saint-Louis « Ici nous tuons le temps, alors que chez vous le temps vous tue. » Il n’a pas tort dans le fond.
Le développement se frotte aux paradoxes. Les embouteillages se mêlent aux chèvres et aux charrettes, les séries télévisées au mysticisme des marabouts, les téléphones portables aux huttes en torchis…
Dans un chaos presque indescriptible ressort une profonde humanité. La vie se fait à l’extérieur, et la communication est partout, tout le temps…A l’image des murs souvent recouvert de pensées, il se dégage une sorte de philosophie, un réel sens de l’humour et du phrasé. On peut trouver des générateurs d’électricité en panne pour cause de « paludisme », des petites boutiques prénommées « Auchan » ou « Super U » qui font tout à moins 50% ou parfois même « Moins cher que gratuit », « , des expatriés français prénommés « Sénégaulois »…
Ici tout se négocie, se discute, se bricole, se récupère… et les plus beaux souvenirs naissent souvent des pires situations. Des trajets interminables en taxis 7 places d’un autre temps où nous voyons la route défiler sous nous pieds sur fond sonore d’un vieux bédouin chantonnant derrière nous, aux coupures d’électricité ou d’eau dans la douche nos corps encore recouvert de savon.
Au coin des rues, on retrouve des gens avec nos vieux t-shirts ornés de sérigraphie comme « concours de Pétanque – La Tranche sur mer – 1988 » ou « Soirée Loto de Saint Clair sur Epte 1992 », nos tout premiers téléphones ou voitures…
Et le soir après avoir regardé un ciel plus étoilé que jamais, bu une Flag ou une Gazelle, et rit comme jamais nous nous endormions le cœur léger des draps brodés « unité de santé »…
Récit par Valentin Porcher.
Crédits photos : Valentin Porcher et Cécile Chétif