La « petite Amazonie » de mon enfance
Ce fut une surprise pour moi lorsque vous m’avez proposé de participer à « l’Echappée ». C’était vraiment une belle aventure d’équipe. Nous nous sommes retrouvés dans cette nature que j’aime tant et dans laquelle j’ai grandi.
Ça m’fait penser à un petit périple que j’ai pu faire il n’y a pas si longtemps, tout près du Bassin d’Arcachon. Je suis retourné sur ce lieu rempli de souvenirs de mon enfance passée avec mon cousin, mes cousines et mon frère. (Oh lala je me rappelle c’est dingue comme on a pu s’amuser !)
Mes grands-parents avaient une petite cabane de pêcheur dans un tout petit port. Depuis celui-ci des tuiles étaient embarquées sur des chalands qui les menaient vers tous les ports du bassin aux ostréiculteurs qui y collectaient leurs naissains d’huîtres. Aujourd’hui les cabanes de pêcheurs sont toujours là, et ce tout petit port est toujours un lieu très sauvage.
On y trouve des roseaux en abondance et de tout petits arbustes persistants, d’espèce invasive que l’on appelle des cotonniers (faux cotonniers / baccharis) d’Amérique du Nord. Cet endroit bénéficie de la proximité du Parc Ornithologique du Teich. Ce sont ainsi des milliers d’oiseaux qui y viennent : mouettes, martin-pêcheurs, canards, cygnes, hérons,… Une faune et une flore riches et denses.
Les bras d’eau font leur chemin entre les roseaux, il vaut mieux être du coin pour naviguer sans se perdre dans ce labyrinthe de végétation. L’eau est calme en surface comme un miroir mais en dessous son mouvement peut être puissant puisqu’il est soumis aux marées.
Je me replonge dans mes souvenirs à l’âge de six ans, j’me souviens de ces moments calmes, de ces nombreux parfums et de cette lumière si douce. Après une journée en pleine nature à courir sur les bancs de sable, me voilà enfin posé sur un ponton les jambes pendantes au-dessus de l’eau. J’observe, j’admire, je sens, j’écoute. Le vent tombe peu à peu emportant avec lui quelques graines de cotonniers. Elles sont aussi légères qu’une plume. Elles ne s’arrêteront que lorsqu’elles auront trouvé un obstacle. Je les suis du regard puis elles disparaissent au loin. Les roseaux ont fini leur danse, le vent va bientôt tomber. Ça en est presque étouffant. Je n’ai pas trouvé beaucoup d’ombre aujourd’hui encore. Ma peau est devenue brune sous le soleil brûlant. Mes jambes, mes bras, mon visage sont tâchés de vase dégageant une odeur familière. Après avoir passé la journée dehors sous ce soleil, le voilà enfin face à moi, m’offrant des couleurs rose pastel. Le moment où il va disparaître ne va pas tarder. Un groupe de mouettes passe au loin… ça y est il n’y a plus de vent. Tout est calme. Mes yeux ne savent plus où regarder tant cet endroit est magnifique. Quand tout à coup, le chant d’un martin-pêcheur attire mon attention, je le cherche, le voilà, il vient de sortir d’un bosquet.
Le soleil disparaît peu à peu. Croyez-moi dans ces moments-là on se sent vivant.
Un dernier regard à l’horizon et je le vois disparaître complètement dans les brumes lointaines. Mille senteurs envahissent celui qui, immobile, écoute le silence. La nuit commence, laissant place aux moustiques et aux coassements des grenouilles. J’ai hâte d’être à demain.
En grandissant je me suis éloigné de cet endroit mais pour mieux y revenir et savourer cette ambiance.
Avec le temps j’ai quitté ces eaux calmes pour me tourner vers l’océan qui m’offre de nouveaux horizons et de nouvelles sensations. Ça m’fait penser à un endroit que j’ai connu…mais, ça c’est une autre histoire.
Jérôme Junqua
– Remerciements à Pauline Beugniot pour les illustrations –