Tijuana Panthers, punk spaghetti
La déviation mène à la dérision. Et logiquement, la dérision mène au sarcasme – si l’on compte le second degré. Ni plus ni moins, quand on utilise le terme « spaghetti », on se moque du sérieux et chacun en fait son affaire. Le genre du western fut le premier à se nouer dans les pâtes italiennes. De ceux qui ont reconnu Sergio Leone, ces classiques faussement viscéraux mêlent des luttes triviales entre le bien et le mal, souvent unilatérales – le méchant est forcément méchant –, dans de longs plans-séquences stridents et légendaires, avec de piètres justiciers au regard de tueur gâteux, qui prétendent détenir le sort du monde entre leurs jambes arquées alors qu’ils sont juste souverains de leur bourgade poussiéreuse. Les pistolets explosent, les charrettes crament, les trains déraillent et la prison est un lieu d’où l’on s’évade plus de ce qu’on y reste enfermé. Dans une vision moderne du genre, que le maître Quentin Tarentino a déjà entamé – voire englouti –, on pourrait oublier la musique épique des duels à mains armés et la remplacer par celle de Tijuana Panthers pour attiser l’essence folle ces irrésistibles mascarades.
Idéalement, un cheval aurait fait l’affaire. Mais c’est un bibelot de panthère qui lui vole la vedette : « Phil, notre batteur, avait un voisin qui est revenu un jour de Tijuana avec une histoire de fou et une panthère en porcelaine. Il a donné cette panthère à Phil, ce qui a par la suite inspiré le nom du groupe. » Plus au nord, sur la côte californienne de Long Beach, la musique de Tijuana Panthers prend un tournant pittoresque et désenchanté. Chad, Daniel et Phil créent des titres doucement âpres, acharnés et légers, confus et structurés en même temps. Cette bipolarité rappelle l’illusion du rêve américain, qui contraste l’idéal et le réel, la richesse exacerbée et la misère de l’âme, dans un univers forcément envieux et désirable. On pourrait sans doute comparer leurs fantômes à ceux de David Lynch, mais il est plus sage de projeter leur musique dans un climat moins torturé. De ce fait, les racines des panthères puisent dans le punk, la pop et les tonalités solaires de la « surf music ». De Parquet Courts à Fidlar, l’album « Wayne Interest » est un hommage certain à The Clash. Mais dans un délire plus poussé, laissez-vous surprendre par l’image d’un spring-break dans les 70’s, cuirs serrés et dégaines nonchalantes, en oubliant les seins nus et les pompes à bières de la jeunesse furieuse.