Douceurs auditives
La Russie, la Mongolie et puis la Chine. 990 gares et autant d’espaces qui filent, déclinés en pans bruts et sauvages où la nature se glorifie d’être la plus belle, où le vent rapporte le froid polaire de Oural, où l’eau s’extirpe de la Volga en striant la terre de sa transparence. Le Transsibérien trace sa route fièrement au milieu de toutes ces facettes, grand mythe de ferraille où l’on puise l’inspiration inlassablement et où notre pensée s’épaissit d’un aura de mystères et de légendes. C’est le théâtre choisi il y a quelques années par l’artiste William Rezé pour élaborer son projet de musique électronique intitulé simplement « Transsiberian ».
« Il m’a fallu beaucoup de temps et d’énergie entre le moment ou j’ai eu cette idée et le moment ou j’ai pu monter dans le train », nous raconte William. « À l’origine, l’idée m’est venu d’un constat assez simple où je me rendais compte que j’étais plus productif dans un train qu’en étant enfermé chez moi. Le paysage qui défile, l’impression d’être constamment en mouvement, les gens qui passent, c’était un bon cocktail tout en ayant un confort correct pour composer avec peu de choses. »
En captant de part et d’autre les sons et bruits de la vie du train, il prend conscience de l’énorme potentiel musical qui s’offre à lui, sans compter les escales où les rencontres se faisaient plus singulières les unes que les autres. « Les journées à bord du train - j’étais en général réveillé par la femme de ménage du train qui tenait vraiment à passer l’aspirateur sur les 30 cm2 de moquette de ma cabine, et qui me servait pour finir un thé russe bien fort. J’écoutais ensuite ce que j’avais fait dans la nuit jusqu’au déjeuner que nous prenions mon équipe et moi dans le wagon bar (nous n’étions pas sur de la grande gastronomie mais ça faisait le job). Je me baladais un peu dans le train de bout en bout pour me dégourdir un peu les jambes, venait ensuite le diner qui s’éternisait un peu selon les rencontres. Je passais une grande partie de la nuit à composer, au calme avec le train pour moi tout seul à regarder le jour se coucher puis se lever. À l’inverse, les journées hors du train étaient très remplies, beaucoup de rencontres, d'enregistrements et de découvertes de villes ou villages. »
Pour se rendre compte un peu plus de l’entreprise artistique, presque ethno-musicale tant elle exploite les sonorités ethniques des trois pays, Thylacine et son équipe vidéo (en coproduction avec Edendoc et France Television) ont réalisé une mini-série documentaire de 10 épisodes de leur voyage. Vous trouverez plus bus le premier épisode ainsi que les liens des 9 autres.
« Transsiberian » fait parti de ces albums-concept qui nous font voyager en un rien de temps. Il côtoie subtilement la downtempo et la housse pour souligner un peu plus le vrai atout de ce périple musical : les chants indigènes féminins (comme dans « Belobezvodnoe », « Aïkhaï & Mandukhaï (Interlude) » et « Irkutsk ») et masculins sur l’envoûtant « Chaman ». « Memories » annonce le glas final, on entend le sifflement du train au début et le bruit des vagues à la fin, mémoires d’un voyage de 10000 km estampillé au fer de cette magnifique carcasse filante.