UKNW SOUNDS : GÜLŞAH EROL (Turquie)
Un nom énigmatique pour une musique étrange et curieuse. Le mystère plane sur l’ancienne Byzance, où Gülşah Erol émerge tel un voile de soie calcinée par l’air salé du Bosphore. Cette compositrice et interprète turque, originaire d’Istanbul et violoncelliste de métier a travaillé avec une flopée de brillants professeurs en musicologie avant de prendre le large seule et conquérante. Elle a su, par le biais de huit disques (pour le moins inconnu des européens), se démarquer de la scène classique en composant une musique expérimentale hors du commun. Aujourd’hui, sa musicalité se rapprocherait davantage des sons ambiants que purement orchestraux, à mis chemin entre le post rock et le modern classical, comme le fait merveilleusement bien les compositeurs Max Richter, Ólafur Arnalds et Dustin O’Halloran.
Les titres Once There Was A King et No Place Anywhere s’avèrent être les exemples flagrants de sa musicalité. Une angoisse aigre-douce mêlée à une douce noirceur s’exorcise des compositions, accompagnées de frottements majestueux à l’archet, de grincements et tiraillements saillants à faire hérissés vos poils, avec des finals à la Explosions in the Sky. Cette ambiance inédite se place dans les hauts confins de la musique incomprise, dite expérimentale, ou bien peut être le triste reflet du malaise engendré par les événements sanglants du Moyen Orient. Les vidéos sont aussi là pour imaginer l’envers du décor. Le noir et blanc feutré de Once There Was A King déroute. Inspiré d’une berceuse polonaise, ce fantastique stop-motion de 5min30 n’est pas sans rappeler les ombres chinoises de Princes et Princesses, film d’animation français réalisé par Michel Ocelot (cf. Kirikou). Décidément, les sonorités de ce clip n’a rien à voir avec les effets enfantins du père Ocelot.
On l’entend bien, ces morceaux ne sont pas là pour distraire l’esprit de simples individus. Une réflexion plus large sur la musique ou sur la conjoncture mondiale peut être envisagée. Laquelle ? Je ne saurais dire. Libre à chacun de penser. Néanmoins, avis aux fervents mélancoliques, prenez garde. Sinon, ouvrez grand votre esprit et imprégnez-vous de l’atmosphère inédite et raisonnable de la divine Gülşah Erol où l’émotion et l’engagement ne font qu’un.
Julien Catala