UKNW SOUNDS : HEYMOONSHAKER (UK)
L’appareil buccal est à réflexion l’instrument le plus énigmatique de la fonction humaine. La parole est sa base, son « dada ». Mais quand on s’éloigne un peu de son utilité première, on est surpris, voire subjugué par tant d’aptitudes sonores. À défaut de pouvoir chanter comme un dieu lyrique, d’autres prennent l’itinéraire bis et se retrouve à exceller dans l’imitation de boite à rythmes ou de scratchs. Dans une éternelle fascination, le human beatbox n’a cessé d’évoluer durant 700 ans, passant du kannakol ancestral indien aux « bobos » londoniens déferlant parmi les racoleurs de Brick Lane.
Le duo Heymoonshaker est l’un de ses adeptes. Je nomme Andrew Balcon au chant blues et à la guitare et Dave Crowe à la boite à rythmes humaine et à l’harmonica. C’est à la suite d’une virée en Nouvelle-Zélande que Mr Balcon rencontre ce « beatboxer » à la bouche de génie. Ce mélange unique dope très vite l’intérêt du public. En misant sur le genre exclusif du beatbox blues, ils parcourent conquérants divers festivals de musiciens ambulants (qu’ils sont) et sortent en 2013, le maxi Shakerism qui regroupent 7 explosifs prêts à faire exploser la roche.
Il n’y a pas un seul titre qui se différencie l’autre tant leur art est en fusion permanente. On citera l’excellent Cream F Feeling qui s’accompagne d’une clip vidéo toute en sobriété, ainsi que les excités Ten Letter Word et Part 1. Comme il n’y a pas de fumée sans feu, la sensibilité a aussi sa place dans ce monde de brute, avec Devil In Mind et Premature Blues qui rappellent ce dont le blues a fait cadeau à la musique populaire, un rythme syncopé et doucement sauvage et terreux singeant l’origine champêtre des chants de travail des populations afro-américaines.
Avec deux bouches et une guitare, le mélange dubstep/hip-hop/blues de Heymoonshaker est le secret de la plus bonne confiture qu’il soit, un mashup complet. Incomparable et intemporel, ils jouent sur la mise en forme exceptionnelle de l’ancien et du nouveau, du jeune et du vieux, du liquide et de l’aqueux pour qu’au final Crowe puisse affirmer : « Pour être honnête, je n’ai aucune idée de ce que ce putain de son est ».