Violette, tatoueuse de douceur animale
Il est midi, le soleil est à son zénith, je m’apprête à rencontrer Violette, une jeune prodige de l’art du tatouage… Je la retrouve devant le salon Bleu Noir situé dans le charmant quartier des Abesses, là où elle officie chaque jour. À l’abri des arbres du jardin Burcq, nous nous entretenons sur son parcours, ses inspirations…
Depuis quatre ans, Violette Chabanon tatoue chez Bleu Noir, célèbre salon de tatouage parisien. Pleine de sensibilité, elle s’inscrit dans cette nouvelle vague de tatoueurs au style inimitable. Des lignes géométriques accompagnées de petits animaux, souvent des chats mais aussi des végétaux, Violette se plait à représenter des êtres vivants notamment grâce à la technique du dotwork.
Rencontre avec une jeune femme pleine de talent…
Hello Violette ! Ton blaze de tatoueuse « Violette », c’est également ton prénom… Pourquoi avoir choisi de le garder ?
Je l’ai gardé car je trouve que c’est un prénom plutôt original. D’une part, c’est le prénom que mes parents m’ont donné et puis je n’ai pas trouvé mieux. Je trouvais finalement intéressant de garder ce côté floral et lumineux.
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Tu as fait une licence d’arts graphiques à l’ECV de Paris, comment en es-tu venu à expérimenter et à faire du tatouage ton métier ?
J’ai commencé par une licence à l’ECV que j’ai obtenue puis j’ai poursuivi en Master. Plus on fait d’études, plus on fait de stages, on touche alors au métier réel que l’on sera censé exercer. Finalement, l’univers des arts graphiques ne m’a absolument pas plu, je n’ai pas aimé ce qui s’y passait, les relations sociales et surtout toutes les contraintes auxquelles nous devions faire face. Tu ne peux pas créer, tu ne fais pas de l’art, tu fais ce que l’on te demande de faire.
Je me suis alors dit que j’aimerais aller vers un métier plus artistique. J’ai toujours aimé dessiner sur les corps… Plus petite j’aimais dessiner sur mes amis. Je me suis dit pourquoi pas essayer de tatouer. J’avais un ami qui s’y mettait tout juste avec son oncle, il m’a alors mis une machine entre les mains en me proposant d’essayer. J’ai commencé sur une orange, puis mon premier vrai tattoo sur un ami qu’on avait en commun. Je me suis dit que c’était ça que je voulais faire, j’ai alors arrêté mon Master à l’ECV pour me diriger vers le monde du tatouage. J’ai commencé à tatouer chez moi dans des conditions rudimentaires.
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Tu as construis un univers graphique très particulier, peuplé d’animaux et de formes géométriques, très souvent en utilisant la technique du dotwork… Comment t’es-tu construit ce style unique ?
Lorsque tu commences à faire du tatouage, il y a différentes techniques et j’étais personnellement plus à l’aise avec la technique du dotwork justement. J’ai toujours aimé les jeux d’ombres et je trouvais que le dot était une version moderne des dégradés de noir et gris et de jeux de lumières. J’ai toujours aimé les choses très noires et mélanger la lumière, le dot et le noir, ça semblait tout simplement évident pour moi.
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D’ailleurs tes tattoos ont des lignes inspirées d’univers enfantins, notamment avec Totoro que tu représentes souvent… As-tu un rapport particulier avec les enfants et leur monde ? Te considères-tu comme une grande enfant ?
Je pense qu’on a tous ce petit côté où on a envie de rester enfant… C’est un univers poétique, magique, tu peux te permettre des choses dans le tatouage et le dessin que tu ne peux pas te permettre dans la vie réelle. Cet univers enfantin fait rêver, ça donne le sourire, c’est une manière de se sentir bien.
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Tu tatoues aujourd’hui chez Bleu Noir, un salon renommé de Paris… Comment as-tu rencontré toute la team Bleu Noir ? Qu’as-tu ressenti la première fois que tu as été invité à tatouer chez Bleu Noir ?
Je les ai rencontrés avant de me mettre au tatouage, je m’étais fait tatouer l’avant bras par Jeykill chez Bleu Noir. Ensuite je me suis mise à tatouer chez moi et dans le même temps, on a agrandi ma pièce de l’avant bras avec Jeykill. Je lui posais plein de questions et je me suis intéressée à la manière dont on pouvait devenir tatoueur. Je lui ai demandé s’il prenait des apprentis, il m’a répondu qu’il fallait que je ramène un book et ensuite ils m’ont conseillé de partir dans telle ou telle direction.
En travaillant à côté, je peaufinais mon book et venais régulièrement les voir pour leur montrer l’avancée du travail. Puis au bout d’un an et demi, ils m’ont dit qu’il souhaitait me prendre à l’essai à partir de septembre, c’était en 2013. Au bout d’un mois d’essai, on m’a dit que j’étais embauché.
Le premier tattoo que j’ai fait chez Bleu Noir c’était le truc le plus galère qui existe ; les lignes d’un cadre de vélos. Ce qu’il faut savoir c’est qu’une des choses la plus difficile à faire en tattoo c’est deux lignes parallèles. Je me suis liquéfiée, c’était assez dur mais je m’en suis plutôt bien sortie, je crois que j’ai eu un peu de chance pour mon premier. Finalement, les lignes étaient droites et parallèles, c’était une grande satisfaction et le début d’une grande aventure.
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Pourrais-tu nous faire une petite liste des artistes qui t’inspirent dans n’importe quel domaine ?
L’univers de Miyazaki me parle énormément, c’est super poétique, ça te fait voyager et rêver et à la fois il y a ce côté magique. Ensuite, en dehors des artistes, j’aime beaucoup les influences de la jungle, des civilisions anciennes, tout ce qui est floral genre Douanier-Rousseau, les compositions avec des amas de végétation. Finalement, tout ce qui est vivant, les végétaux comme les animaux m’inspirent beaucoup. Ça me plait de retransmettre ça dans mes dessins…
Aussi, l’équipe Bleu Noir est une mine d’inspiration au quotidien malgré tout tu récupères des techniques, des savoir-faire…
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Quel était ton premier tattoo ? Par qui as-tu été tatoué ?
Le tout premier c’était lors d’un voyage en Thaïlande, j’étais avec deux amies dans une petite ville où il y a avait un salon de tatouage. Tu rentrais en marchant pied nus dans le salon avec des petites nattes au sol. C’était notre premier grand voyage à 18 ans et du coup je me suis fait tatouer l’intérieur du doigt ; Ganesh en thaïlandais, c’est la déesse qui détruit toutes les impossibilités. Elle détruit pour re-construire et cela permet d’aller plus loin. Je trouvais que c’était une belle signification entre le premier grand grand voyage et le premier tattoo. C’était un joli moment…
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Tu es un peu de la nouvelle génération tattoo, celle où il est devenu très commun d’avoir au moins un tattoo… Comment perçois-tu cette nouvelle tendance ?
C’est quelque chose de très positif pour nous… De plus en plus de gens souhaitent se faire tatouer, je sais que j’ai déjà tatoué des avocats, des institutrices, des infirmières… Tous les milieux à la base un peu fermés, j’ai finalement découvert que les gens venaient et avaient ce désir de tatouage. Après, ils les dissimulent plus ou moins…
C’est très positif qu’il y ait de plus en plus de gens tatoués et j’espère sincèrement que ça va continuer dans ce sens.
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Tu es encore très jeune, mais je suppose que tu as quelques projets en tête… Quel serait le plus fou d’entre eux ?
Le plus fou ?! Continuer de faire ce que j’aime et d’en vivre…
Les choses vont un peu évoluées et je vais avoir de plus en plus de temps pour des projets personnels extérieurs notamment des collaborations avec des marques, préparer une exposition qui met beaucoup de temps à mettre en place… J’aimerais beaucoup voyager, aller plus souvent à Biarritz mais aussi faire des guests à Los Angeles, New York, Londres ou même en Allemagne…
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