WOODIART : Pur produit dérivé
Le projet Woodiart de l’ami Clément Bouchoneau aka Booki est comme une mélodie délicate jouée par un pianiste hors pair. Ses doigts modelant avec finesse des planches de skate rétro en série limitées. Des pièces uniques, très travaillées pour un produit haut de gamme. Après plusieurs années passées au cœur de sa Bretagne natale Booki a peu à peu dérivé plus au Sud pour poser ses planches du côté de Biarritz. Membre du Switched Kick Out Surf Syndicate, il enchaine les projets créatifs, expos, workshop, et le fameux SvrfPvnk… Rencontre avec un breton à l’accent chantant…
Quels sont les éléments qui ont fait que tu te sois tourné vers des études d’arts et d’ébénisterie ?
À 16-17 ans tu es avant tout dans un cadre scolaire, il faut s’orienter, trouver un métier choisir ce que tu as envie de faire de ta vie. J’ai toujours été plus ou moins bricoleur, notamment avec le bois. Quand j’étais gamin je fabriquais beaucoup de cabanes en Bretagne. J’ai grandi dans un univers manuel avec des parents marins et un grand frère bricoleur aussi. On fabriquait nous même nos modules de skate car dans les années 90 ça courait pas les rues. Tout ça m’a conduit à faire un CAP dans le bois. Si tu veux faire un certain métier il faut faire les études qui vont avec ! Depuis petit en parallèle j’ai toujours été musicien. Je suis pianiste. J’ai retrouvé dans l’ébénisterie ce côté fin, délicat qu’il n’y avait pas forcément dans la menuiserie.
À une époque tu étais même restaurateur de mobilier de XVIII siècle ! Comment t’es tu retrouvé là-dedans ?
J’ai eu la chance pendant mes études de faire un stage chez un artisan qui faisait de la restauration de mobiliers. À l’école je n’ai pas vraiment appris ça puisque j’étais formé à de la fabrication pure et dure. Mais aujourd’hui si tu veux gagner de l’argent dans ce métier il vaut mieux restaurer des meubles qu’en fabriquer… C’est une véritable niche avec une clientèle bien spécifique… Pour notre part il y avait du taf et il y en a toujours. Je suis devenu restaurateur de mobilier par la force des choses. Après je suis arrivé à l’école « Boule » à Paris. J’étais beaucoup plus ouvert artistiquement. Dans cette école ils te poussent à être curieux. Ils m’ont appris à ne pas rester figé sur le bois et à m’ouvrir sur de nouvelles matières.
Comme le bon vieux Juan Lagarrigue tu as participé à l’expo « planchettes ». Tu as fait de la marqueterie sur cette planche à découper. Peux tu nous en dire plus sur ce procédé ?
La marqueterie, j’associe toujours ça au puzzle. Je fais du puzzle. Tu dessines ton motif et après tu viens reporter ton motif sur des planches de bois qu’on appelle du plaquage. C’est de la feuille de bois. Ça fait entre 6 mm et 1 dm d’épaisseur. Après en fonction des couleurs que tu as besoin pour ton motif tu vas sélectionner telle ou telle essence de bois. Si tu veux un bois rouge tu vas utiliser du padouk qui est un bois africain. Si tu as besoin de noir tu vas utiliser de l’ébène. Il faut un certain savoir sur les essences qui existent pour appliquer les bonnes couleurs.
Quelles sont les essences avec lesquelles tu préfères travailler ?
J’utilise un peu tout. Ça dépend aussi de mes coups de cœur. Je vais chez mes fournisseurs qui sont des espèces d’immenses marchés du bois. Tu y trouves quasiment toutes les essences qui existent dans le monde. Ils importent et revendent au détail ou en gros. Avant je faisais de la récup’, mais pour des bois très précieux t’es obligé de les acheter. Il y a 2 ans j’utilisais beaucoup le Wengé, c’est une essence avec laquelle j’avais pas mal travaillé à l’école et que je trouvais intéressante. C’est un bois tellement marron qu’il en est presque noir. J’avais fait une board toute en Wengé et plaqué Or. Je suis très bois foncé. L’année d’après par exemple j’ai travaillé beaucoup l’ébène. L’ébène a un cœur très noir avec les bords vraiment blonds. J’essaie toujours de trouver des bois atypiques pour que les gens aient l’impression que c’est de la peinture. Mais non c’est bel et bien un seul et même bois !
Laquelle de tes réalisations a la plus belle histoire ?
J’en ai qui n’ont jamais vu le jour… Ma première histoire c’est quand j’ai commencé à faire des dérives de surf. J’ai initié ce projet à l’école. Je devais avoir 18 ans à l’époque et mon grand ami Malo avait eu la chance à l’époque de partir en Californie faire ses stages. Il est tombé sur ce mouvement qui existait déjà de Fish un peu rétro avec des dérives en bois. Malo en rentrant de Californie, (putain 10 ans déjà), m’a dit « J’achète des planches, fais-moi des dérives en bois. » Du coup en parallèle des cours et même pendant les cours je fabriquais des dérives en bois. Mes profs me regardaient avec des grands yeux : « Mais qu’est-ce que tu fous ? C’est pas ça qu’on te demande de faire » je leur répondais « ouais ouais mais bon ça me fait plaisir » (rires) et j’ai sorti mes premières dérives comme ça ! De ce projet a émergé l’idée de faire des boards en bois mais à défaut de faire des planches, j’ai fais des skates. Cette anecdote de dérives est à l’origine du projet Woodiart. Après les plus beaux projets sont ceux que j’ai réalisé en collaboration avec Juan. Le Triptyque qu’on a fait pour l’expo à Paris. L’expo Down The Road qu’on a fait avec le SKUFF et Keep A Breast à Bordeaux…
Il y a t-il un artiste en particulier avec qui tu souhaiterais travailler en collaboration sur un éventuel projet ?
Franchement non. Je marche au coup de cœur. Après celui avec qui j’aime vraiment travailler c’est Juan. Je sais pas pourquoi. On n’a pas fait des milliards de projets ensemble mais si demain je dois refaire une collaboration artistique c’est à lui que je la proposerais…
Qu’est-ce qu’il fait l’ami Booki quand il n’a pas les oreilles étouffées par le bruit de la ponceuse ?
Je chill. Je suis un gros « chilleur ». Mais quand Woodiart n’est pas entrain de réfléchir sur ses expos il réfléchit sur tout ce qui est concept scénographique et design d’espace pour les marques. Woodiart est un peu en train de devenir Woodiart Workshop. Les marques m’appellent, je leur design le mobilier, je le fabrique et je le pose. Si tu veux pendant 3 ans le projet Woodiart a quelque part façonné l’image du boulot que je peux offrir à travers le skateboard. Aujourd’hui si les gens viennent me contacter pour un job ils savent qu’ils vont avoir quelque chose qui déchire. C’était au départ un peu le but parce que tout le monde sait qu’il est très compliqué de gagner sa croute en tant qu’artiste, à part quand t’es mort. Or aujourd’hui je suis vivant (rires). Les expos ont été un véritable moyen de communication pour montrer que Woodiart existe, et Woodiart essaie de faire des belles choses.
Quand est-ce que tu nous remets au goût du jour les snowboards des années 70 ?
(Rires) C’est marrant que tu me poses cette question parce que je bosses pas mal à la montagne avec Vans. Et j’ai été touché par l’univers du snowboard. J’ai travaillé pour le Snow Avant Première où tu avais toute l’industrie du snow qui était présente. Ils présentaient toutes les nouvelles collections et j’ai vu des Snows en bois ! Et je me suis dit « Bordel il faudrait que je travaille sur un snow ! ». Il faudrait que je trouve l’amoureux de la planche de Snow artisanal comme je le suis avec les planches de skate ! Et pourquoi pas faire une collaboration sur un produit ! Ça serait chanmé ! J’ai la technique du bois mais pas la technique du pressage de Snow. Mais ça pourrait être un projet canon !
On se voit au Surf Punk 2015 l’automne prochain ?
Écoutez vous êtes évidemment les bienvenus au SVRF PVNK ! Nous c’est un truc qu’on attend toute l’année ! J’espère que cette année encore on renouvellera l’expérience… Si on le fait soyez là !
SVRF PVNK INVITATIONAL 2014 : DRENCHED IN BLOOD from Smog Films on Vimeo
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Crédits photo : Mélanie Bordas
– Merci à Booki –
– P.L –